L'opposition a dénoncé samedi à Niamey un «coup d'État» et demandé à l'armée de désobéir après la décision la veille du président nigérien Mamadou Tandja de s'arroger des «pouvoirs exceptionnels» pour gouverner seul.

Le président a annoncé vendredi soir à la télévision publique qu'il prenait des «pouvoirs exceptionnels», invoquant l'article 53 de la constitution qui, lorsque «l'indépendance de la République est menacée», permet au président de gouverner par le biais d'ordonnances et de décrets.

M. Tandja, qui souhaite rester au pouvoir à tout prix, a déjà dissous le parlement le 26 mai.

Vendredi, il réagissait au refus de la Cour constitutionnelle de revenir sur son arrêt qui invalide le référendum prévu le 4 août, une consultation censée lui permettre de briguer un troisième mandat.

«Nous sommes dans un blocage institutionnel, c'est ce qui a justifié le message à la nation du président (...). Il ne saurait accepter que le Niger soit bloqué en raison d'un travail de sape», a affirmé vendredi le ministre de la communication, Mohammed Ben Omar.

Mais l'opposition, regroupée dans le Front de défense de la démocratie (FDD), continue son combat.

Le FDD «dénonce le coup d'État que vient de perpétrer le président Tandja, demande à tous les Nigériens de se mobiliser en usant de tous les moyens légaux pour faire immédiatement échec à cette entreprise de liquidation de l'État de droit et de la démocratie», a déclaré le président du Front, Mahamadou Issoufou.

Ce dernier, battu deux fois à la présidentielle par Mamadou Tandja en 1999 et 2004, a appelé les forces de sécurité et de défense à «refuser d'obéir aux ordres d'un homme qui a pris l'option délibérée de violer la Constitution et qui a désormais perdu toute légitimité politique et morale».

L'opposant a notamment utilisé l'article 13 de la Constitution, qui prévoit que «nul n'est tenu d'exécuter un ordre manifestement illégal».

L'armée, en dépit d'une histoire riche en coups d'État, a jusqu'à présent adopté une attitude de totale neutralité dans l'actuel bras de fer politico-juridique entre le président et l'opposition.

De plus en plus seul, combattu dans la rue par les syndicats et de nombreuses ONG, critiqué à l'étranger, Mamadou Tandja a été lâché jeudi par le principal parti qui le soutenait et qui a retiré ses huit ministres du gouvernement.

La Convention démocratique et sociale (CDS) a annoncé sa décision au premier ministre Seyni Oumarou, lui-même très silencieux, en raison de «la divergence d'appréciation» sur le référendum.

L'appui de la CDS, dirigée par le président du Parlement dissous Mahamane Ousmane, avait été décisif pour l'élection de M. Tandja en 1999 et 2004. La formation détenait notamment les portefeuilles de la Défense, de la Santé, de la Jeunesse et des Sports ou encore de la Lutte contre la vie chère.

Aujourd'hui, l'impasse politique est totale au Niger.

Le 12 juin dernier, la Cour constitutionnelle avait refusé une première fois l'organisation du référendum présidentiel. La Commission électorale nationale a peu après convoqué des législatives anticipées le 20 août, à la suite de la dissolution par M. Tandja de l'assemblée nationale.

La France, ancienne puissance coloniale, suit l'évolution de la situation avec attention: en raison de ses énormes richesses en uranium exploitées par le group français Areva, le Niger est un pays stratégique pour la France.