Aujourd'hui, les Sud-Africains choisiront un nouveau Parlement et du coup, un nouveau président. On sait d'ores et déjà que le chef du Congrès national africain, Jacob Zuma, prendra les rênes du pouvoir. Portrait du nouvel homme fort de l'Afrique du Sud, fan de peaux de léopard et de polygamie.

Pour un chef du Congrès national africain (ANC), Jacob Zuma a un curriculum vitae atypique. Il n'a pas de diplôme universitaire comme Nelson Mandela et Thabo Mbeki. Enfant, il était trop occupé à garder les chèvres de son grand-père pour aller à l'école.

 

Contrairement à ses deux prédécesseurs, il n'a pas grandi au sein de l'élite noire, occidentalisée de l'Afrique du Sud urbaine. Il est né en 1942 dans le petit village zoulou de Nkandla. Orphelin de père dès sa plus tendre enfance, il vivait avec sa mère qui travaillait comme ménagère auprès d'une famille blanche.

Petit, plutôt que d'apprendre les enseignements de la Bible, il a été élevé selon les préceptes des guerriers zoulous. Il aime encore aujourd'hui se présenter aux cérémonies vêtu d'une peau de léopard.

En entrevue, il dit avoir appris l'essentiel de ce qu'un homme doit savoir dans son village: le respect des aînés, la vie en communauté, la bravoure... et l'art de plaire aux femmes. D'ailleurs, comme beaucoup de Zoulous traditionalistes, il pratique la polygamie. Il s'est marié au moins cinq fois et a présentement trois femmes. On lui prête la paternité de 18 à 22 enfants.

Ses racines dans l'Afrique du Sud profonde effraient une grande partie des électeurs blancs du pays, mais elles séduisent l'électorat noir qui s'identifie à cet homme autodidacte. Ce matin, avant l'ouverture des bureaux de scrutin, on s'attendait à ce que l'ANC, sous la houlette de Jacob Zuma, récolte 85% des votes.

Les attentes sont grandes pour le nouveau leader. Beaucoup espèrent qu'une fois à la présidence, l'homme fort de l'ANC, plus au parfum des réalités de la rue sud-africaine, réussira là où ses prédécesseurs ont échoué: en luttant contre la violence urbaine, la pauvreté endémique et le chômage qui frappe un Sud-Africain sur cinq, explique Khalid Medani, professeur de sciences politiques à l'Université McGill.

En plus d'être un homme du peuple, Jacob Zuma est aux yeux de l'électorat noir d'Afrique du Sud un héros. À 17 ans, inspiré par un oncle syndicaliste, il s'est joint au combat de l'ANC. De 1963 à 1973, il a été incarcéré à la célèbre prison de Robben, avec Nelson Mandela. Derrière les barreaux, il a appris à lire et à écrire, mais il a aussi joué au boute-en-train, improvisant chansons et spectacles pour ses compagnons d'infortune.

Après sa libération, il a participé à la renaissance de l'ANC en exil. Depuis, il n'a cessé de grimper les échelons du parti qui domine la politique sud-africaine, devenant en 1999 le bras droit du président Thabo Mbeki.

D'amis à rivaux

La collaboration entre les deux amis de longue date a tourné au vinaigre en 2005. Le numéro 2 faisait de plus en plus d'ombre au président Mbeki. Jacob Zuma s'est fait montrer la porte du gouvernement après que son conseiller financier eut été condamné à 15 ans de prison dans une affaire de corruption. Depuis cette date, il est lui-même empêtré dans les histoires judiciaires. En 2006, il a été acquitté du viol d'une femme séropositive. Une autre poursuite, pour corruption, a été abandonné au début du mois d'avril pour une raison technique.

Les supporters de Jacob Zuma clament depuis le début que les poursuites sont une tactique de Thabo Mbeki pour garder le pouvoir. Les fidèles de l'ex-président, qui ont formé un parti d'opposition, le Congrès du peuple (COPE), mettent en garde les Sud-Africains contre le chef de l'ANC.

C'est aujourd'hui que se joue l'ultime manche entre les deux hommes. Hier, le «guerrier zoulou» semblait avoir une bonne longueur d'avance.

 

Les élections en 4 questions

> Quoi? Les quatrièmes élections nationales et provinciales depuis la fin de l'apartheid en 1994.

> Quand? Aujourd'hui.

> Qui? 24 millions d'électeurs devront choisir entre 9130 candidats (dont 3511 femmes).

> Pourquoi? Les candidats veulent mettre la main sur les 400 sièges de l'Assemblée nationale et les 90 sièges du Conseil national des provinces. Le parti qui gagne le plus de siège à l'Assemblée nationale choisit le président. - Source: BBC