A la télévision, sur des pancartes, des casquettes et des t-shirts, le président soudanais Omar el-Béchir n'a jamais été aussi visible. Comme si le mandat d'arrêt de la CPI l'avait propulsé dans une campagne électorale vitale pour sa survie politique.

Omar el-Béchir, 65 ans, préside depuis 1989 à la destinée du plus grand pays d'Afrique, mais n'a cédé que récemment à la tentation de l'iconographie présidentielle. Les affiches géantes du chef d'Etat vêtu d'un habit militaire étaient rares, elles sont désormais légion.

Les produits dérivés, de la casquette au T-shirt serti du slogan «tous avec toi, el-Béchir», sont distribués dans les manifestations où se mêlent citoyens lambda et adhérents de sa formation politique --le Parti du congrès national, NCP-- transportés en autobus à chaque lieu de rassemblement.

Car le président soudanais multiplie les discours publics et ratisse toutes les allégeances possibles depuis l'émission, le 4 mars, d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité au Darfour, région de l'ouest en guerre civile depuis 2003.

Omar el-Béchir, qui a l'habitude de précéder ses discours d'un pas de danse, a prononcé des allocutions au Darfour, devant des militaires, des chefs de tribus et a même porté le chapeau à plume traditionnel des chefs du Sud-Soudan.

Ce rythme effréné ressemble étrangement à celui d'un candidat en campagne électorale.

«Le président n'est pas en campagne pour les prochaines élections. Ce que vous voyez, c'est la réponse à la décision de la CPI», explique à l'AFP Mandoor al-Mahdi, secrétaire politique du NCP.

«Mais la CPI a créé une situation qui rend le président plus populaire (...) et nous pensons donc que les conditions sont plus favorables qu'auparavant» à sa réélection, enchaîne-t-il.

Le président Béchir a poussé l'audace jusqu'à «remercier» la CPI de l'avoir inculpé, ce qui lui a permis d'organiser de grands rassemblements en sa faveur, a-t-il dit récemment.

Des élections générales sont prévues cette année au Soudan et celles-ci seront essentielles à la survie politique du président soudanais.

Le Soudan ne reconnaît pas la CPI et refuse de lui livrer ses citoyens, mais cette situation pourrait changer si un nouveau gouvernement entrait en fonction à Khartoum.

«Ils (le parti du président Béchir) veulent des élections rapides et une victoire rapide», afin de légitimer Omar el-Béchir après la décision de la CPI, souligne un diplomate occidental sous le couvert de l'anonymat. «Mais malgré les manifestations d'appui au président, ils devront tricher pour gagner», estime-t-il.

Omar el-Béchir a obtenu 87% des voix lors de la présidentielle de 2000, considérée comme une mascarade par les partis d'opposition auxquels le président a promis récemment des «élections libres».

La commission électorale n'a pas établi la date des élections générales --présidentielle, législatives et régionales-- et les résultats du recensement national, le premier effectué en 15 ans, se font encore attendre.

Ce recensement est un enjeu clé pour l'établissement des circonscriptions et pour confirmer, ou réévaluer, le partage du pouvoir entre les différentes régions de ce vaste pays.

La tenue du scrutin au Darfour demandera par ailleurs une forte «volonté politique» afin notamment de permettre aux électeurs de se rendre aux urnes en toute sécurité, note cette semaine dans une étude l'Institut américain pour la paix.