Une religieuse qui se rend au repaire de l'Armée de résistance du Seigneur pour négocier la libération de ses pupilles, enlevées par une bande de fanatiques nihilistes de l'Ouganda. Un bébé perdu au beau milieu de l'exode des réfugiés hutus retournant au Rwanda. Le fils d'un célèbre footballeur guinéen qui parle avec l'accent acadien de Moncton, où il a étudié.

L'Afrique de Michel Arsenault est faite de «héros de la vie de tous les jours». Le journaliste québécois, qui a visité la moitié de 54 pays du continent depuis 25 ans, raconte ses rencontres dans le livre Perdu en Afrique, qui vient de paraître. M. Arsenault s'était auparavant illustré avec une biographie de Lucille Teasdale, chirurgienne québécoise qui a longtemps oeuvré en Ouganda.

 

«C'est quand je l'ai rencontrée en 1992 que j'ai vraiment eu la piqûre de l'Afrique», dit le journaliste en entrevue dans un café du Quartier latin. «J'étais allé quelques fois en Afrique auparavant, mais j'étais dépassé par les événements. C'est là que j'ai commencé à mieux comprendre le continent. J'ai dû faire ce que j'appelle mon mémoire de maîtrise pour la biographie de Lucille Teasdale.»

Jusqu'alors, il avait vaguement gardé la conviction, issue de ses études de sciences politiques, que la pauvreté de l'Afrique était due à l'exploitation au rabais de ses matières premières par les pays occidentaux qui lui vendaient à prix d'or des produits manufacturés. Au fil des années, la complexité de la société africaine et de ses maux lui est apparue plus clairement.

Au moment de l'entrevue, la déclaration papale sur les préservatifs qui «aggraveraient» le problème du sida en Afrique faisait les manchettes. C'est un sujet qui fait sortir M. Arsenault de ses gonds. «On commence à dire que l'inaction face au sida en Afrique est un crime contre l'humanité, soulève-t-il. Je sais bien qu'il n'y a pas pour le moment de fondement juridique pour cela, mais on pourrait penser que le pape pourrait en être accusé.»

Y a-t-il des études qui montrent que le pape a une influence réelle pour convaincre les Africains de délaisser le préservatif même s'ils ont une vie sexuelle à risque? Non, répond M. Arsenault, reprenant le ton posé qui caractérise son livre, une trentaine de vignettes qui incarnent les divers problèmes de l'Afrique.

Crédit, Chine, corruption...

Malgré sa réticence à verser dans l'«opinion», il accepte de parler du problème de la propriété collective de la terre, qui empêche les paysans d'avoir accès au crédit, et du rôle grandissant de la Chine en Afrique, qui selon lui va accroître la corruption et l'opacité des gouvernements en place. «Les lois occidentales ne sont pas parfaites, mais elles essaient de viser la corruption. Halliburton, l'ancienne compagnie de Dick Cheney, est poursuivie, par exemple.» Il estime que les sociétés minières canadiennes dont il connaît les projets en Afrique font des efforts pour respecter l'environnement et la population locale, même si elles font des erreurs. Par contre, il déplore que l'ACDI se détourne du continent pour se concentrer sur l'Amérique latine.

Né à la fin des années 50, le journaliste a grandi dans une famille «où on lisait La Presse, mais pas vraiment les pages internationales». Son père était perchiste à Radio-Canada. Michel Arsenault a grandi dans un quartier marqué par l'immigration italienne et est allé à l'école anglaise.

Il dédie son livre à un professeur d'anglais du secondaire qui lui a enseigné qu'on peut avoir des réactions émotionnelles et intellectuelles vives face à ce qui se passe à l'étranger, notamment lorsqu'il est arrivé en classe hors de lui le 12 septembre 1973, au lendemain du renversement d'Allende au Chili.

Michel Arsenault habite à Paris depuis une dizaine d'années et travaille pour Radio-France Internationale en plus d'écrire pour la plupart des magazines québécois prestigieux, pour Le Devoir, le Globe and Mail, Le Monde et l'International Herald Tribune.