L'exécution du mandat d'arrêt contre le président soudanais Omar el-Béchir, émis mercredi par la Cour pénale internationale (CPI), va se heurter à de nombreuses difficultés d'ordre juridique et politique, selon des experts en droit international.

«Le mandat d'arrêt pourrait se révéler très difficile à exécuter», prévient Jan Kleffner, professeur de droit international à l'université d'Amsterdam, interrogé par l'AFP.

Omar el-Béchir, 65 ans, est depuis mercredi sous le coup d'un mandat d'arrêt de la CPI pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité au Darfour. Cette région de l'ouest du Soudan est déchirée depuis 2003 par une guerre civile qui a fait 300.000 morts selon l'ONU, 10.000 selon Khartoum.

L'arrestation de M. Béchir incombe aux Etats, car la CPI ne possède pas de force de police propre. En outre, la cour ne peut le juger par défaut.

Or le Soudan a, sans surprise, rejeté le mandat d'arrêt avec virulence.

«Ca vient tout juste de commencer. C'est très compliqué», estime Goran Sluiter, spécialiste de la CPI à l'université d'Amsterdam.

Le Soudan, souligne-t-il, n'a pas ratifié le texte fondateur de la CPI, le Statut de Rome, et le procureur de la CPI a été mandaté pour enquêter par une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU en 2005.

Celle-ci stipule que «le gouvernement soudanais et toutes les autres parties au conflit du Darfour doivent coopérer pleinement avec la cour et le procureur».

«Mais que veut-on dire par pleine coopération ?», s'interroge M. Sluiter. «Les aspects légaux de cette question n'ont malheureusement pas été développés».

Pour la CPI pourtant, les choses sont claires. «L'obligation du gouvernement soudanais de coopérer pleinement avec la Cour prévaut sur toute autre obligation», ont fait savoir les juges mercredi.

Soulignant que par le passé, le Soudan «a systématiquement refusé toute coopération», notamment pour l'arrestation, réclamée depuis mai 2007, de deux hauts responsables, dont le ministre Ahmed Haroun, les juges ont menacé d'«en référer» au Conseil de sécurité. Leurs possibilités de recours, cependant, s'arrêtent là, selon les experts.

Le procureur de la CPI, l'Argentin Luis Moreno-Ocampo, a lui aussi insisté mercredi : «Il n'y a pas d'immunité pour Omar el-Béchir», a-t-il lancé. «Dès qu'il voyagera dans l'espace aérien international, il pourra être arrêté».

Ce scénario implique l'engagement d'autres Etats, notamment les 108 pays qui ont ratifié le Statut de Rome. Mais ce même statut offre plusieurs possibilités «de s'y soustraire», selon M. Sluiter.

Il leur permet par exemple de contester le mandat d'arrêt en apportant des preuves contraires. Les Etats pourraient aussi utiliser l'article 98 du statut pour ne pas intervenir si M. Béchir se rendait sur leur territoire, en arguant d'accords bilatéraux avec le Soudan qui accordent l'immunité au chef d'Etat.

«Les choses ne sont pas claires» sur ce point, souligne cependant le spécialiste en droit international Cédric Ryngaert, de l'université d'Utrecht aux Pays-Bas, en prédisant qu'il donnera lieu à de vifs débats.

Pour l'heure, le mandat d'arrêt constitue surtout «une interdiction de voyager de fait» et va «mettre sous pression» le président soudanais, selon les experts.

«Les possibilités légales existent, mais comme souvent dans la justice internationale, c'est la politique qui décide», conclut Jan Kleffner.