Le président soudanais Omar el-Béchir, visé par un mandat d'arrêt international, a conspué jeudi les dirigeants occidentaux, les «véritables criminels» à ses yeux, devant une foule qui lui était toute acquise massée au centre de Khartoum.

«Les véritables criminels, ce sont les leaders des Etats-Unis et de l'Europe», a lancé le chef de l'Etat devant des milliers de supporteurs au lendemain du mandat d'arrêt émis contre lui par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et contre l'humanité.

Plus de 10.000 manifestants s'étaient rassemblés sur la «place des Martyrs», dans le centre-ville de Khartoum, pour crier leur soutien au dirigeant soudanais et dénoncer le procureur de la CPI Luis Moreno-Ocampo, ennemi juré de Khartoum.

Les Etats-Unis ont «perpétré des génocides contre les Amérindiens, à Hiroshima (en 1945) et au Vietnam», a accusé le président soudanais.

Omar el-Béchir, 65 ans, arrivé au pouvoir lors d'un coup d'Etat en 1989, a également déversé son fiel contre le «néo-colonialisme» de la CPI et des institutions internationales.

«Cela fait 20 ans que nous sommes sous la pression du néo-colonialisme et de ses instruments comme la CPI, le Conseil de sécurité des Nations unies et le Fonds monétaire international», a-t-il martelé dans un discours musclé, entrecoupé de la profession de foi islamique: «il n'y a de dieu que Allah».

Le président soudanais, dont le pays a décidé d'expulser une dizaine d'organisations non gouvernementales accusées d'avoir «violé la loi», a averti les diplomates étrangers de ne pas interférer dans les affaires soudanaises, sans quoi «il allait mettre fin aux relations» bilatérales.

Omar el-Béchir n'a pas manqué, comme à son habitude lorsqu'il prononce un discours en public, de se livrer à son pas de danse traditionnel, brandissant sa cane en se voûtant légèrement, avant de s'adresser à la foule compacte et furieuse contre l'Occident.

Outre Luis Moreno-Campo, les manifestants conspuaient les Etats-Unis, le Royaume-Uni et les «juifs». Le président Béchir a répété à plusieurs reprises au cours des derniers mois que la CPI résultait d'un «complot 100% sioniste» visant à déstabiliser le Soudan.

«Ocampo et les juifs, nous avons été entraînés pour (faire face à) des gens comme vous», scandait la foule, qui brandissait des affiches à l'effigie du président soudanais.

Des manifestants ont aussi brandi des affiches de Luis Moreno-Ocampo, serties du drapeau des Etats-Unis et d'Israël. «Nous allons combattre quiconque pense pouvoir arrêter notre président. Nous allons montrer aux puissances étrangères de quoi nous sommes faits», a menacé un manifestant.

Une trentaine de manifestants ont tenté de renverser la voiture d'un journaliste de l'AFP. Les ambassades de plusieurs pays occidentaux - notamment la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Canada - se préparaient à des manifestations à proximité de leurs locaux.

La CPI a délivré mercredi un mandat d'arrêt contre le président soudanais pour crimes de guerre et contre l'humanité au Darfour, région de l'ouest du Soudan en proie à un conflit complexe à l'origine de 300.000 morts selon l'ONU. Khartoum chiffre à 10.000 le nombre de décès liés aux combats.

Une manifestation réunissant 5.000 personnes avait eu lieu mercredi dans le centre-ville de Khartoum après la décision de la CPI mais le président Béchir n'y avait pas participé.