Coup d'Etat, raid des rebelles du Darfour, durcissement du régime militaire ou statu quo, les scénarios semblent ouverts après le mandat d'arrêt international lancé mercredi contre le président soudanais Omar el-Béchir.

La Cour pénale internationale (CPI) a émis un mandat d'arrêt contre Omar el-Béchir pour crimes de guerre et contre l'humanité au Darfour, région de l'ouest du Soudan en proie à une guerre civile qui a fait 300.000 morts et 2,7 millions de déplacés depuis 2003 selon l'ONU. Khartoum évoque 10.000 morts.

Selon des analystes, ce mandat d'arrêt pourrait sonner à terme le glas du régime militaro-islamiste du président soudanais arrivé au pouvoir en juin 1989 à la faveur d'un coup d'Etat.

«Les carottes sont cuites, la question est de savoir à quelle sauce on va les manger», estime Gérard Prunier, spécialiste français du Soudan au Centre National de la Recherche scientifique (CNRS).

«La première possibilité c'est un coup d'Etat interne (au sein du Parti du congrès national (NCP), le parti d'Omar el-Béchir), mené par une personnalité neutre par rapport à la CPI», dit-il à l'AFP.

Des rumeurs circulent depuis des mois dans la capitale soudanaise sur un éventuel remplacement d'Omar el-Béchir par son vice-président Ali Osman Taha ou son conseiller Nafie Ali Nafie. Le chef des renseignements Salah Gosh pourrait jouer un rôle-clef dans la transition, avancent des diplomates à Khartoum.

«La deuxième possibilité, c'est un coup d'Etat de l'armée», souligne M. Prunier, dubitatif à l'égard de ce scénario car Omar el-Béchir est issu du creuset militaire.

Un putsch au sein du NCP ou un coup d'Etat de l'armée sont «très peu probables», juge de son côté l'analyste Alex de Waal.

Tout comme Gérard Prunier, il qualifie en revanche de «probable» une nouvelle offensive du Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM), le plus militarisé des groupes rebelles du Darfour, bien qu'il ait signé un accord avec Khartoum en vue d'un cessez-le-feu.

Le JEM avait marché en mai 2008 sur Omdurman, la ville voisine de Khartoum, mais avait été stoppé dans sa progression par les forces soudanaises au terme de combats meurtriers.

Ce mouvement aux liens étroits avec l'opposant islamiste Hassan al-Tourabi, ancienne éminence grise du gouvernement Béchir, pourrait cette fois s'en prendre au régime mais sans viser directement Khartoum.

«Je serais surpris qu'il procède comme la dernière fois, mais je serais aussi surpris s'il n'y avait pas d'escalade de ses activités» militaires, explique M. de Waal.

«Personne ne sait ce qui va se passer. Le Soudan est déjà tellement instable», résume un diplomate sous le couvert de l'anonymat.

Plus grand pays d'Afrique, le Soudan compte 40 millions d'habitants répartis en une multitude de tribus et divisés entre le nord à majorité musulmane et le sud, chrétien et animiste.

Le mandat d'arrêt contre Omar el-Béchir pose un défi de taille à la communauté internationale.

«Qui va faire respecter le mandat de la CPI, telle est la grande question?», s'interroge un diplomate occidental. «La balle est en quelque sorte dans "notre" camp», ajoute-t-il.

Si la communauté internationale et les partis d'opposition n'exercent pas de pressions sur le régime d'Omar el-Béchir, le statu quo pourrait prévaloir.

«Mais si la communauté internationale prend la chose très au sérieux et que d'importants partis politiques soudanais soutiennent la CPI, alors le NCP et les forces de sécurité vont y voir un enjeu de vie ou de mort. Aucune option ne sera exclue», prévient M. de Waal.

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