Pour soutenir sa croissance accélérée, la Chine se tourne vers les ressources minières et énergétiques de l'Afrique et donc du Congo. Mais elle le fait sur une base de bénéfices réciproques et de respect mutuel qui relance la confiance des Congolais et dérange le train-train des Occidentaux dans ce qu'ils considèrent depuis longtemps comme leur «chasse gardée».

Les Chinois s'installent au Congo. Des entrepreneurs attirés par les mines du Katanga et par les occasions d'affaires dans trop de secteurs où les Congolais sont mal servis, ou pas du tout. Des techniciens travaillant sur de grands projets. Des gérants de magasins généraux dans les quartiers populaires.

 

C'est dans ces quartiers, comme Massina et Kingasani, à Kinshasa, qu'ils s'établissent. Contrairement aux Occidentaux, retranchés derrière les hauts murs des banlieues cossues.

Un Chinois est ainsi propriétaire des petites vedettes rapides, d'une vingtaine de places, qui font la navette sur le lac Kivu entre Goma et Bukavu, pour 100$ l'aller-retour. J'ai croisé à bord un technicien parlant en swahili à un Congolais, qui répondait en chinois!

L'arrivée en force de la Chine au Congo a changé la donne: un accord de 9 milliards de dollars, troc de minerais contre construction d'infrastructures, d'écoles et d'hôpitaux, donne aux Congolais une confiance insoupçonnée, et des maux de tête aux Occidentaux.

Dans le quartier Kinsuka à Kinshasa, le long du fleuve Congo, un immense champ muré abrite les machineries qu'utiliseront les Chinois pour refaire 4000 km de routes et 3200 km de voie ferrée, et construire des barrages hydroélectriques et des aéroports.

En échange, la Chine aura droit à 6,8 millions de tonnes de cuivre et 420 000 tonnes de cobalt sur une période de 30 ans. Les travaux sont gérés par une entreprise conjointe des Chinois, du Congo et de la société d'État Gécamines.

Il prévoit aussi des dépenses sociales et environnementales, l'emploi de la main-d'oeuvre congolaise à 80% et de sous-traitants congolais à hauteur de 12%.

«Les Occidentaux ont profité du Congo pendant plus d'un siècle sans investir dans son développement, a indiqué à La Presse un conseiller du président Joseph Kabila. Ils crient maintenant à l'impérialisme chinois! Un Belge m'a dit: «Nous ne laisserons pas le Congo de Léopold tomber entre les mains des Chinetoques.»

«Le contrat a été approuvé par le Parlement congolais, mais Laurent Nkunda, chef de la rébellion dans l'Est, a demandé qu'il soit révisé. Ça vous montre bien pour qui il roule», a commenté Ignace Mupira, ex-rapporteur de la commission Lutundula sur la révision des contrats miniers.

Des investissements de 9 milliards US, c'est énorme. À titre de comparaison, le budget de l'État congolais était de 1,3 milliard US en 2007. Ministre des Infrastructures, Pierre Lumbi qualifie l'accord de «Plan Marshall pour la reconstruction du pays».

Joseph Kabila n'est ni Hugo Chavez ni Evo Morales. Mais il a déclaré: «Les Congolais verront pour la première fois leurs ressources servir à leur développement.» Il a identifié l'eau, la santé, l'éducation, l'électricité et les transports comme chantiers prioritaires.

La Chine et les ressources africaines

Côté chinois, ce n'est guère de l'altruisme. La Chine a un besoin pressant de minerais et d'énergie pour soutenir son développement. Comme l'Inde, autre puissance émergente, elle se tourne vers les ressources de l'Afrique.

Mais ses échanges se font sur la base de bénéfices mutuels. Elle a aboli les dettes des pays africains les plus pauvres sans contrepartie. Au Congo, elle récolte les fruits d'une coopération bilatérale qui remonte à l'indépendance, en 1960, et à Patrice Lumumba.

La dictature de Mobutu en 1965 ne l'a pas empêchée de poursuivre cette coopération, avec la construction du Palais du peuple et d'un stade de 80 000 places à Kinshasa.

Elle avait des liens spéciaux avec Laurent-Désiré Kabila, entraîné en Chine. Après son assassinat en 2001, la Chine a construit la statue de Lumumba et celle de Kabila qui sont aujourd'hui des lieux de pèlerinage pour les Congolais au coeur de Kinshasa.