Quand j'y étais, il y a huit ans, c'était toujours portes ouvertes à la MONUC, la Mission de l'ONU au Congo. Ses véhicules blancs avec les lettres UN peintes en noir patrouillaient les rues avec assurance. Elle était apparue comme le sauveur du pays.

Maintenant, les bases des Casques bleus sont entourées de hauts murs surmontés de fils barbelés et renforcés avec des sacs de sable. Les patrouilles se font rares. Les Congolais voient ses 20 000 employés et son budget annuel de plus de 1 milliard de dollars comme une partie du problème et non de la solution.

«La MONUC se barricade? Elle a raison. C'est elle qui a besoin de protection ! Quand les rebelles pro-rwandais ont frappé en 2004, les grandes villes ont été paralysées pendant des jours. C'est contre la MONUC que les Congolais déversent leur colère», dit Léonard Kinkupu, de la Conférence épiscopale du Congo (CENCO)

En vertu du chapitre VII de la Charte de l'ONU, la MONUC est censée protéger les civils et aider l'État à établir son autorité sur tout le pays. Elle ne le fait pas. Chaque mois, 45 000 Congolais meurent de la guerre. La MONUC observe et compte les morts. «Elle est devenue comme un État dans l'État, avec ses propres intérêts», disent des députés du Mouvement social pour le renouveau (MSR), allié du parti au pouvoir.

«Les grandes puissances ont confié la MONUC aux Indiens et aux Pakistanais, qui parlent anglais. Ils communiquent avec le pouvoir anglophone au Rwanda. Avec les Congolais, pas du tout. Derrière les rébellions et la MONUC, c'est le pillage qui continue et les pays riches qui en profitent», note Ignace Mupira, ex-rapporteur de la Commission Lutundula sur la révision des contrats miniers.

Ce «système», dit-il, « dépend d'un État congolais et d'une armée nationale faible». «Mais une dynamique interne pousse l'État à agir, à réviser les contrats et à bâtir une armée patriotique. Le président a refusé que 5000 hommes ajoutés à la MONUC viennent de l'Inde. La tutelle étrangère devra finir. L'État se redresse. Ça prend du temps, mais ça viendra», affirme-t-il.

Économie dollarisée

Autre impact de la MONUC: son gros budget et son personnel pléthorique ont «dollarisé» l'économie et provoqué une inflation vertigineuse. De Goma à Kinshasa, tous les prix sont affichés en FF, ou francs fiscaux, c'est-à-dire en dollars américains. Des consultants de la MONUC et d'autres expatriés louent les chambres de chics hôtels surplombant le lac Kivu à 400$ la nuit - alors que le fonctionnaire congolais gagne à peine 45$ par mois.

«Les Kivutiens voient depuis des années des soldats rwandais avec les rebelles. Mais la MONUC enquêtait. Il a fallu que Nkunda marche sur Goma et que l'ONU soit menacée de discrédit pour qu'elle accuse enfin le Rwanda», souligne Léon Bariyanga, président de l'Assemblée provinciale du Nord-Kivu.

Fin octobre, le général espagnol Vicente Diaz de Villegas, en poste depuis deux mois, a démissionné du commandement de la MONUC. Il a invoqué des «raisons personnelles», mais les médias kinois ont écrit qu'il a baissé les bras face aux «réseaux mafieux» qui entravent le travail des Casques bleus.

Parti pris

Des soldats de la MONUC ont été accusés de viol de mineures, un sujet documenté par la vidéaste québécoise Raymonde Provencher dans Le déshonneur des Casques bleus.

Le colonel Chand Saroha, officier indien de la MONUC, fait l'objet d'une enquête pour son éloge de Laurent Nkunda. Lors d'une réception organisée par le chef rebelle avant son retour en Inde, Saroha a qualifié Nkunda de «frère» et de «vrai révolutionnaire qui combat pour une noble cause».

«Nous avons reçu des preuves difficiles à réfuter, a dit Kemal Saiki, porte-parole de la MONUC. Nous récusons ses propos et nous réitérons notre appui aux autorités du Congo.»

«Il en faudra plus pour convaincre les Congolais», a commenté le professeur Kinpuku, et «la MONUC ferait bien de rester derrière ses barricades».

«Je ne sais pas si les proches de Saroha portent des bijoux de sang venant du Congo, mais je peux vous dire que des gens de la MONUC se livrent à des trafics de tous genres», a dit un Canadien d'origine indienne qui tient une épicerie à Bukavu.