L'Afrique est le continent martyr du monde moderne, et le Congo en est le coeur saignant. Ce géant des Grands Lacs, doté de fabuleuses ressources mais enlisé dans la misère, subit «deux tsunamis par an», dit l'ONU, soit 500 000 morts directes et indirectes résultat des guerres de pillage et d'occupation qui s'y déroulent depuis 15 ans.

Grande comme l'Europe de l'Ouest, la République démocratique du Congo (RDC) a 65 millions d'habitants et 450 ethnies, avec le français comme langue officielle, plus quatre langues nationales. Le pays occupe tout le bassin du fleuve Congo, depuis les Grands Lacs à l'est jusqu'à l'Atlantique à l'ouest.Là se déroule «la pire catastrophe humanitaire» au monde, un «holocauste tranquille», selon l'Église catholique congolaise, qui a fait près de 10 millions de victimes. Il s'agit de Rwandais pourchassés au Congo depuis le génocide de 1994, et de Congolais tués par les combattants divers ou morts de malnutrition et de manque de soins. Plus de 2 millions sont des déplacés de guerre, parqués en rase campagne dans des camps de fortune. L'horreur s'amplifie avec le viol et la mutilation de femmes et de filles comme «armes de guerre», et le recrutement d'enfants soldats.

Ce drame en cours en plein 21e siècle est amplement documenté. L'International Rescue Committee (IRC), une ONG, a établi jusqu'à avril 2007 un bilan de 5,4 millions de tués, avec 45 000 morts chaque mois. Des études qui excluent les massacres de réfugiés rwandais au Congo de 1994 à 1998 et les nouveaux massacres en cours.

Des experts mandatés par le Conseil de sécurité de l'ONU ont de leur côté mis à nu les liens entre ces immolations et les guerres de pillage dans le pays. Ces guerres, lancées par des rebelles avec le soutien du Rwanda, de l'Ouganda et du Burundi voisins, cachent le pillage des minerais (coltan, métal magique de la téléphonie cellulaire, diamant, cobalt, or, cuivre) et d'autres ressources (bois, café, bétail) au profit des firmes multinationales.

Les exportations minières congolaises tournent autour de 3 milliards de dollars par an, mais les minerais pillés en valent au moins le double, alors que 75 % des Congolais vivent sous le seuil de pauvreté, avec moins de 1$ par jour.

Notre journaliste Jooneed Khan revient d'un séjour au Congo. Dans la capitale, Kinshasa, il s'est entretenu avec des représentants du gouvernement, du Parlement, de l'Église et de la société civile. Il s'est rendu dans l'est, à Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, et à Bukavu, capitale du Sud-Kivu, pour témoigner de la réalité sur le terrain.

C'est son ultime reportage pour La Presse. Jooneed Khan prend sa retraite après 35 années de journalisme au service de l'International.