Le Faina, cargo ukrainien chargé d'armes relâché il y a une semaine par les pirates somaliens qui le détenaient depuis quatre mois, était attendu jeudi dans le port kényan de Mombasa, sur fonds de polémique sur le véritable destinataire de la cargaison d'armes.

L'arrivée du cargo a été retardée à plusieurs reprises par des problèmes moteurs et il devait finalement accoster jeudi-après-midi avec son chargement de 33 chars d'assaut T-72 de conception soviétique, 150 lance-roquettes RPG-7, de batteries anti-aériennes, de lance-roquettes multiples et d'environ 14.000 munitions de divers types.

«Lorsque la libération a été annoncée le 5 février, on était tous tellement heureux», a confié à l'AFP à Mombasa sous couvert d'anonymat un responsable ukrainien ayant participé aux négociations et membre de la délégation venue accueillir les 20 marins restés otages 134 jours.

Le propriétaire du bateau, l'homme d'affaires ukraino-israélien Vadim Alperine, dit avoir participé aux pourparlers avec les pirates à l'aide d'une société britannique spécialisée dans la libération d'otages, puis avec «des Somaliens ayant une influence sur les leaders des pirates».

«On communiquait en anglais, par fax, courriel et téléphone, marchandant comme sur un marché. Nous avons commencé par leur proposer 100.000 dollars», a expliqué M. Alperine à un petit groupe de journalistes. Les pirates exigeaient à l'origine une rançon de 20 millions USD.

«Il n'était pas évident de savoir qui pouvait parler de leur côté et surtout donner des garanties du respect de l'accord conclu», selon le responsable ukrainien.

Un premier accord en décembre sur une rançon d'1,7 millions USD a capoté au dernier moment. Après des tractations laborieuses, la rançon finale a été de 3,2 millions USD, selon des sources proches des pirates.

«L'argent a été placé dans deux containers hermétiques, qui ont été parachutés en mer à proximité du Faina depuis un petit avion Cessna. Avant de larguer l'argent, les représentants du propriétaire devaient vérifier que l'équipage était sain et sauf», raconte le responsable ukrainien.

Une fois l'argent reçu, des dizaines de pirates ont commencé à compter les billets, ce qui a pris plus d'une journée. Il ont ensuite quitté le bateau par petits groupes, sous la surveillance d'un bateau de guerre américain.

Mais la libération du cargo n'a pas fait taire la polémique sur le destinataire final des armes. Pour Nairobi et Kiev, l'armement est destiné à l'armée kényane.

Présent à Mombasa pour l'arrivée du Faina, le secrétaire d'Etat kényan à la Défense, David Musila, a encore martelé jeudi: «la cargaison a été achetée par le gouvernement kényan au gouvernement ukrainien. C'est notre cargaison».

Miko Malomuzh, responsable des services de renseignements ukrainien, a renchéri: «nous constatons que la cargaison a été livrée légalement depuis l'Ukraine vers la république du Kenya pour les forces armées kényanes. Nous voudrions démentir toute accusation concernant une destination de la cargaison vers d'autres pays.»

Cependant des experts et des diplomates de la région continuent de mettre en doute cette version. Pour eux, la cargaison du Faina est destinée au gouvernement du Sud-Soudan et est la cinquième du genre.

Le Sud-Soudan n'est pas soumis à un embargo sur les armes. Mais en vertu d'un accord de paix signé en 2005 entre le gouvernement de Khartoum et la rébellion sud-soudanaise ayant mis fin à 20 ans de guerre civile, chaque partie doit informer l'autre de tout achat d'armements.