Madagascar s'est enfoncée ce week-end dans la crise, le maire d'Antananarivo promettant dimanche de continuer la «lutte» contre le pouvoir au lendemain d'une manifestation de ses partisans réprimée par la garde présidentielle, qui a tué au moins 28 personnes.

Des dizaines d'habitants de la capitale se sont relayé dimanche dans les couloirs de l'hôpital universitaire à la recherche d'un proche parmi les cadavres ou les blessés.

«Moi je dis à la population que leur vie, leur sang qui a coulé, on ne peut pas les laisser tomber. La lutte continue», a déclaré, après s'être rendu au chevet de ses partisans blessés, le maire Andry Rajoelina, récemment destitué par les autorités.

«Demain (lundi), ce sera une journée de deuil national», a ajouté celui qui s'est imposé comme le principal opposant au président Marc Ravalomanana.

La journée de samedi a sans doute marqué un tournant dans la crise ouverte depuis mi-décembre entre les deux hommes.

La garde présidentielle a en effet tiré sur des partisans d'Andry Rajoelina qui marchaient, à l'appel du maire, sur le palais abritant le bureau du président dans le centre d'Antananarivo.

«Dans les trois principaux hôpitaux de la ville, on a recensé 28 morts et 212 blessés», a déclaré à l'AFP le capitaine de gendarmerie Lala Rakotonirina. Selon une source hospitalière, «90% des blessés souffrent d'impacts de projectiles métalliques».

En tout, une centaine de personnes ont été tuées dans les violences qui ont émaillé depuis le 26 janvier le bras de fer entre M. Rajoelina et le président Ravalomanana dans la grande île de l'océan Indien.

M. Rajoelina s'est fait le porte-voix du ressentiment d'une partie de la population touchée par des difficultés économiques et attachée au respect des libertés publiques.

Dimanche, la situation était calme et l'activité quasi-normale dans la capitale, où des Tananariviens sont allés nombreux à la messe.

Environ 5 000 personnes ont pris part dans le calme à un culte oecuménique dans un gymnase où étaient exposés des cercueils.

Au Vatican, le pape Benoît XVI s'est déclaré «vivement préoccupé par la période particulièrement critique que traverse le pays», ajoutant que les évêques de l'île avaient organisé «une journée de prière en faveur de la réconciliation nationale et de la justice sociale».

L'ONU a elle appelé le gouvernement malgache à traduire en justice les responsables de la mort samedi de 28 manifestants, tandis que la France a condamné la violence qui «ne peut aboutir qu'à une impasse».

«Les militaires de la garde présidentielle ont tiré de sang froid sur la foule désarmée des manifestants», a dénoncé dimanche le quotidien malgache La Gazette dans une édition spéciale, évoquant «un bain de sang comme on en a rarement vu dans notre pays depuis l'indépendance» en 1960.

La fusillade de samedi est intervenue peu après un rassemblement sur la place du 13-Mai où M. Rajoelina, qui a lui-même engagé des procédures de destitution du chef de l'Etat, a pris la tête d'une «Haute Autorité de transition», censée à ses yeux remplacer le pouvoir en place.

Ces derniers développements risquent de compromettre un peu plus les efforts de la communauté internationale pour organiser une rencontre entre les deux hommes forts de Madagascar.

De sources concordantes, le sous-secrétaire général des Nations unies en charge des affaire politiques, Haïle Menkerios, arrivé samedi à Madagascar, devrait rencontrer M. Rajoelina lundi.