Les militaires putschistes ont assis leur pouvoir mercredi, au lendemain du coup d'Etat en Guinée, en paradant victorieux dans les rues de la capitale Conakry, après s'être choisi un chef en la personne du capitaine Moussa Dadis Camara.

Des centaines de militaires arborant leurs armes, mais aussi des douaniers ou des policiers, ont paradé dans les rues de la péninsule stratégique du Kaloum, véritable «coeur du pouvoir» dans le centre de Conakry, où ils se sont fait acclamer par des milliers de Guinéens formant une foule enthousiaste.

«Vive le nouveau chef», «vive la nouvelle Guinée», criaient les habitants qui avaient envahi dans l'après-midi l'avenue de la République menant au palais présidentiel. Nombreux étaient ceux qui exprimaient leur «joie» qu'«un grand changement» soit arrivé, deux jours après l'annonce officielle du décès du général Conté, au pouvoir depuis 24 ans.

En début d'après-midi, le capitaine Moussa Dadis Camara avait été nommé chef de la junte (appelée Conseil national pour la démocratie et le développement - CNDD) et donc chef de l'Etat selon un communiqué lu à la radio publique.

Dans la soirée, le nouvel homme fort de Conakry a lui-même déclaré, lors de sa première conférence de presse: «Je suis convaincu, rassuré que je sois le président de la République, le président du CNDD».

«Le grand mouvement de soutien qui vient de se passer, du camp (militaire) jusqu'au niveau du palais présidentiel, cela se passe de commentaire», a-t-il ajouté, depuis le camp militaire Alpha Yaya Diallo, le plus grand du pays, situé à la périphérie de Conakry.

Dans l'après-midi, les militaires, parfois assis sur le toit de leurs véhicules, avaient défilé dans un concert de klaklon, levant les bras vers le ciel en signe de victoire. De grands mouvements de foule incontrôlées suivaient leurs déplacements dans le centre, du palais présidentiel au palais «Sekhoutouraya» (ancien palais du gouverneur colonial puis du premier président guinéen, Ahmed Sékou Touré), où beaucoup espérait apercevoir le nouvel homme fort du pays.

«Ces gens (les responsables du régime de Lansana Conté) nous ont beaucoup fatigués. On préfère ce militaire là, un militaire démocrate et qui dénonce la misère en Guinée», a déclaré à l'AFP Abdoulaye Sako, chômeur de 27 ans, au milieu de très nombreux jeunes dénonçant les «corrompus» du précédent régime.

A Nzérékoré (1.000 km au sud-est de Conakry), plusieurs centaines de personnes sont également sorties pour fêter l'accession au pouvoir du capitaine, originaire de la région, selon des témoins contactés par téléphone.

Dans la journée, marchés, stations-service et grands magasins sont demeurés fermés à Conakry. Les rues, habituellement embouteillées, étaient désertées, faute de carburant disponible pour les véhicules. Seules quelques échoppes avaient ouvert, la grande majorité de la population préférant rester chez elle par crainte de violences.

Les auteurs du coup de force, qui avaient décrété le couvre-feu dans tout le pays de 20H00 à 06H00 (locales et GMT) à compter de mercredi, l'ont officiellement repoussé à vendredi «pour permettre aux chrétiens de passer tranquillement la fête de Noël».

Ils ont aussi tenté de rassurer en fixant un terme à la «transition».

«Peuple de Guinée, la prise du pouvoir par ton armée est un acte de civisme qui répond à la volonté de sauver un peuple en détresse. Fier d'avoir accompli cette mission, le Conseil (junte) n'a aucune ambition de s'éterniser au pouvoir», ont-ils indiqué dans un communiqué.

«Le Conseil s'engage à organiser des élections libres, crédibles et transparentes fin décembre 2010», ont-ils également annoncé.

Le mandat du président Conté, mort de maladie et dont les funérailles nationales sont prévues vendredi, s'achevait fin 2010.

Selon la Constitution, le président de l'Assemblée nationale devait, à la mort du chef de l'Etat, assurer provisoirement la gestion du pays avant d'organiser des élections dans les 60 jours.

Le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'Union africaine (UA) a brandi mercredi la menace de sanctions «fermes» contre les putschistes «dans le cas où le coup d'Etat serait consommé».

Moussa Dadis Camara, un capitaine devenu chef de la junte en Guinée

Le capitaine Moussa Dadis Camara, qui revendique être le nouveau «président» de la Guinée depuis que les militaires putschistes l'ont choisi pour chef mercredi, a passé 17 ans dans l'armée, sous le régime du «général-président» Lansana Conté, officiellement décédé lundi.

Selon plusieurs de ses camarades, interrogés par l'AFP, ce quadragénaire fut l'un des meneurs, au printemps 2007, de la révolte des soldats qui réclamaient notamment le paiement d'arriérés de soldes et une augmentation de leur traitement. Les violences avaient fait au moins huit morts.

Il a aussi activement participé aux mutineries de mai dernier, quand des soldats mécontents réclamèrent, avec succès, le paiement de prises promises et la libération de militaires détenus. Des affrontements entre policiers et militaires avaient alors fait une dizaine de morts.

Mais lui-même a affirmé mercredi devant la presse avoir toujours été celui «calmait les choses» en cas d'«évènements».

Originaire du village de Kouré, dans la région de N'Zérékoré (1.000 km au sud-est de Conakry), où son père était paysan, il a fait ses études à la faculté de droit et de sciences économiques de l'université Abdel Nasser de Conakry. Selon ses camarades, il ne s'y est pas révélé brillant élève.

C'est en 1990 qu'il incorpore l'armée, six ans après le coup d'Etat qui a porté au pouvoir le général Conté.

Il y fait carrière à l'intendance, comme «chef de section carburant» puis comme directeur général des hydrocrabures de l'armée.

Selon le commandant Facinet Camara, qui dit avoir été son intructeur, «il est issu de la dernière promotion du cours d'état-major» en Guinée et a «fait des stages à l'étranger, notamment en Allemagne».

Des militaires qui l'entouraient après sa nomination comme chef de la junte ne lui ont attribué que des «qualités», le décrivant comme «quelqu'un de gentil, très sociable», «homme d'action au tempérament très chaud qui aime trouver immédiatement des solutions aux problèmes». Il est réputé «gros travailleur», «très ambitieux».

Lui-même affirme n'être «pas parvenu au pouvoir par hasard» mais en raison de «beaucoup de qualités», vantant son «esprit patriotique» ou sa «générosité».