Kinshasa s'oppose au déploiement de «certaines troupes» au sein des 3 000 Casques bleus supplémentaires qui doivent se déployer en République démocratique du Congo (RDC) dans une lettre adressée à l'ONU, ont indiqué mardi des sources concordantes.

Aucun pays n'est cité nommément dans le document mais selon des sources diplomatiques à Kinshasa, la formulation de la lettre vise sans ambiguïté des Casques bleus indiens, principaux fournisseurs de la Mission de l'ONU en RDC (Monuc).

«Au regard des nombreuses exactions fort malheureuses commises par certaines troupes au sein de la Monuc, la population comprendrait mal que des contingents de même origine viennent renforcer les effectifs de la Monuc», écrit le gouvernement dans cette lettre adressée au secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, qui a été lue à l'AFP.

A la lecture de cette lettre, il apparaît que «sur le renfort des Casques bleus, il n'est pas question que ce soit des Indiens», a indiqué une source diplomatique.

Le document ne précise pas la nature des «exactions» mentionnées, mais des Casques bleus indiens sont soupçonnés par l'ONU d'abus sexuels. En août, les Nations unies avaient indiqué que des soldats indiens ayant fait partie de la Monuc pourraient être impliqués dans des cas d'abus de ce type.

Le document a été remis samedi à la numéro 2 de la Monuc, Leila Zerrougui, par le ministre congolais des Affaires étrangères, Alexis Tambwe Muamba, qui l'avait convoquée, selon des sources concordantes.

Le Conseil de sécurité de l'ONU a décidé le 20 novembre d'envoyer 3 000 troupes supplémentaires en RDC, l'est du pays étant en proie à de violents combats depuis fin août entre l'armée congolaise et la rébellion de Laurent Nkunda. La nationalité de ses troupes et leur date d'arrivée n'ont pas encore été arrêtées.

Le gouvernement congolais «demande» en outre qu'«à l'occasion d'un nouveau déploiement dans l'est (dans le cadre des rotations de troupes), les unités particulièrement ciblées par l'opinion nationale soient affectées ailleurs qu'au Kivu», selon les termes de la lettre.

Au regard de ce texte, «la brigade indienne doit quitter le Nord-Kivu», a poursuivi le source diplomatique.

Cette lettre met dans l'embarras l'ONU: 90% des troupes onusiennes stationnées dans le Nord-Kivu (est), province la plus instable, sont indiennes, et les Indiens fournissent la totalité des hélicoptères d'assaut de la mission onusienne. L'Inde a en outre été approchée pour participer à l'augmentation des troupes de la Monuc, selon des sources diplomatiques.

La Monuc, par la voix de son porte-parole Madnodje Mounoubai, a confirmé à l'AFP que Leila Zerrougui avait «reçu samedi une lettre du ministre des Affaires étrangères (congolais) adressée au secrétaire général» de l'ONU, mais n'en a pas précisé le contenu.

Les autorités congolaises ont aussi confirmé que Mme Zerrougui avait été reçue samedi au ministère des Affaires étrangères, mais elles n'ont pas donné plus d'informations.

En mars, un officier indien au Nord-Kivu avait publiquement affiché son soutien au chef rebelle Laurent Nkunda avant son retour pour l'Inde dans le cadre de rotations.

Dans un enregistrement audio de cette cérémonie, le colonel indien Chand Saroha avait qualifié M. Nkunda de «frère» qui «combat pour une noble cause». «Tu nous a énormément aidés», lui avait répondu le chef rebelle.

La Monuc, déployée depuis 2001, est la plus importante mission actuelle de maintien de la paix de l'ONU dans le monde avec 17 000 Casques bleus.