Les taxes illégales imposées par les groupes armés dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC) ont fait exploser les prix des denrées alimentaires dans cette région qui est pourtant considérée comme le grenier à blé du pays.

Nombreux sont ceux qui, parmi les dizaines de milliers de déplacés installés autour de Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu, «sont forcés de se prostituer pour joindre les deux bouts, ou produisent leur propre alcool pour tromper leur faim», explique Rossella Bottone du Programme alimentaire mondial (PAM). Même parmi les habitants de la ville, la malnutrition est en augmentation car les gens n'ont d'autre choix que d'acheter des denrées moins chères, souvent moins nourrissantes, ajoute-t-elle.

Les prix des produits de base à Goma, comme le maïs, le manioc ou le riz, ont grimpé de 115% depuis janvier, alors que les combats ont repris fin août entre l'armée congolaise et la rébellion de Laurent Nkunda, selon le Bureau de coordination de l'aide humanitaire des Nations unies (Ocha).

Goma, ville d'un demi-million d'habitants, est située à seulement une quinzaine de kilomètres du front. Or les riches terres agricoles sont essentiellement situées de l'autre côté, en zone rebelle.

Le territoire de Rutshuru (80 km au nord de Goma), qui est aux mains des hommes de Laurent Nkunda et d'où proviennent notamment maïs, haricot et manioc, est ainsi est la principale source d'approvisionnement de Goma.

Le résultat s'en fait vivement sentir sur les marchés de Goma, sur les rives du lac Kivu.

«Je ne vends plus rien, il n'y a plus de travail, les clients n'ont plus d'argent», déplore Donatienne Kahindo, assise à côté de petites sacs de maïs.

«Les gens n'achètent plus, je ne gagne plus d'argent», gronde sa voisine Elizabeth Kabuo, en agitant un chasse-mouche au-dessus de son étal de tomates.

Sur le marché Birere, en plein centre ville, Moïse se lamente en découpant une cuisse de boeuf malodorante suspendue au-dessus d'une flaque d'eau croupie.

«Les vaches viennent du Masisi (région du Nord-Kivu tenue par la rébellion). Les routes ne sont pas sûres, les rebelles arrêtent nos camions et demandent de l'argent, imposent des taxes.»

Ces «taxes» illégales ont remplacé les anciens péages de l'administration, constate Mme Bottone du PAM.

«Il s'agit de sécuriser les routes, mais c'est devenu un moyen d'extorsion pour les groupes armés», souligne-t-elle.

Les territoires tenus par la rébellion fournissent la capitale provinciale non seulement en produits vivriers, mais aussi en charbon, en bois et toutes sortes de marchandises agricoles.

Ces produits doivent désormais passer les barrages rebelles ainsi que d'innombrables check-points tenus par des groupes armés alliés à l'armée et des soldats souvent sous-payés, clochardisés, et qui n'hésitent pas à rançonner les véhicules.

«Les taxes de la rébellion sont particulièrement élevées», remarque Mme Bottone. Un camion doit payer 100 dollars pour une cargaison de manioc, et 150 dollars pour du charbon.

Un sac de 50 kg de charbon coûte 4 000 francs congolais (environ 8 dollars) dans le fief rebelle de Kichanga. À son arrivée à Goma, à 60 km au sud, le même sac coûte 35 dollars. Il se vendait en début d'année sur les marchés de la ville autour de 20 dollars.

De janvier à août, un kilo de maïs s'échangeait à 150 francs congolais. Son prix atteint aujourd'hui 500 francs.

«Les populations des zones rurales de la province souffrent car elles vendent moins. Et à Goma, les habitants n'ont pu assez d'argent pour acheter», constate Mme Bottone.

En plus des taxes illégales qui font exploser les prix, la désertion des champs, à cause de l'insécurité, et la dégradation des routes, notamment à cause des fortes pluies, contribuent aussi à la forte inflation, selon Ocha.