«Il faut que le monde sache que ce qui se passe dans l'est du Congo, qui est horrible en soi, bloque tout développement dans le reste du pays, ce qui est encore plus tragique», a affirmé un coopérant montréalais qui en revient.

«Le Congo est un pays aux richesses fabuleuses, et le maintenir en fragilité chronique profite à tous ceux qui pillent ces richesses», a dit Serge Blais, chargé du Programme Afrique à Développement et Paix, hier à La Presse.

 

Cette tragédie est plus que centenaire, une horreur documentée par Adam Hochschild dans son livre Les fantômes du roi Léopold (King Leopold's Ghost).

«La phase en cours découle des séquelles de la guerre du Rwanda. Les Tutsis ont pris le pouvoir en 1994, les Hutus ont fui au Congo. La guerre continue dans les Kivu, ce qui fait bien l'affaire des pilleurs du Congo», a-t-il noté.

«Depuis 2002, l'ONU a fait des élections, les ONG ont lancé des projets, un accord de paix a été conclu à Goma, mais la relance de la guerre par Laurent Nkunda a tout remis en question», a-t-il expliqué.

Appel aux Canadiens

Dans le rapport qu'il prépare, Serge Blais propose que le Canada renforce la Mission de l'ONU au Congo (MONUC) afin qu'elle protège les civils et élimine les menaces des groupes armés.

Il demande au gouvernement et aux citoyens du Canada des fonds pour soulager plus d'un million de civils chassés de leurs villages dans le Nord-Kivu, et pour assurer que les projets de développement se réalisent.

Serge Blais connaît la République démocratique du Congo (RDC) depuis 1993. Il y a vécu cinq ans. Il s'y rend régulièrement pour travailler avec des groupes de la société civile.

Il convient que la MONUC, avec 17 000 Casques bleus et 1,1 milliard de$ par an, «est devenue partie du problème».

«Des Casques bleus ont été impliqués dans le viol de mineures et des trafics. Ils obéissent à leurs gouvernements plus qu'à l'ONU. Ils ont gelé la crise entre rebelles, armée congolaise et miliciens divers.»

«No Nkunda, no job»

«Les Casques bleus n'ont plus de crédit aux yeux des civils, qui leur crient: «No Nkunda, no job», pour dire qu'ils sont payés grâce à la rébellion de Nkunda, un Tutsi congolais soutenu par le Rwanda», a-t-il dit.

Pour forcer les États riches à agir, Blais propose que les experts du Conseil de sécurité de l'ONU rouvrent leur enquête sur le pillage du Congo pour mettre au jour «les mécanismes par lesquels les produits pillés, dont le coltan, transitent par le Rwanda pour échouer dans les circuits de commercialisation légaux».

À la veille d'un sommet prévu à Nairobi, «salué» hier par le Canada, la rébellion a encore défié tout le monde en occupant plus de territoire et en affirmant que le sommet «ne résoudra rien». Le président rwandais Paul Kagamé y sera, mais il maintient que la guerre «est une affaire interne congolaise».

Enfin, Human Rights Watch a accusé les rebelles de Nkunda et les milices Maï-Mai d'avoir tué au moins 20 civils et blessé 33 autres en deux jours à Rutshuru et Kiwania. Et Save the Children a dénoncé «une explosion» du recrutement d'enfants soldats au Nord-Kivu.