Le cessez-le-feu unilatéral décrété par les rebelles de Laurent Nkunda dans l'est de la République démocratique du Congo semblait tenir jeudi, offrant un répit aux habitants de Goma alors que la communauté internationale tentait d'enrayer un drame humanitaire régional.

La mission des Nations unies en RDC (Monuc) a affirmé que «la situation sécuritaire était stable».

Le chef rebelle tutsi congolais Laurent Nkunda, dont les troupes s'étaient arrêtées mercredi aux portes de la ville, a néanmoins assuré que les Casques bleus de l'ONU ne pourraient pas «l'empêcher» de prendre la ville, capitale provinciale du Nord-Kivu.

Signe du climat de tension, l'ONG britannique Oxfam a annoncé qu'elle suspendait ses opérations et avait décidé, comme «d'autres agences d'assistance internationales», d'évacuer une partie de son personnel.

Les habitants de Goma ne se risquaient pas jeudi matin dans les rues. Les magasins, le grand marché et les écoles n'avaient pas rouvert et les taxis-motos étaient invisibles, a constaté un journaliste de l'AFP.

Dans une grande maison du quartier de Katindo, dans l'ouest de la ville, ce journaliste a vu sept cadavres de civils tués, selon les habitants, par des militaires de l'armée congolaise (FARDC) qui fuyaient devant l'avancée de la rébellion.

«Des militaires sont entrés ici dans la soirée, ils sont restés jusqu'à 4 heures du matin», a raconté à l'AFP le propriétaire de la maison, Joseph Ndakola.

«Ils ont d'abord pillé tous les biens de mes locataires, leur ont fait porter ces biens jusqu'à leurs véhicules, et puis ils sont rentrés les assassiner», a-t-il ajouté, précisant que deux femmes se trouvaient parmi les victimes.

Des soldats des FARDC, dont la plupart avaient quitté la ville mercredi, étaient de nouveau visibles par petits groupes dans les rues. Certains retournaient dans Goma, d'autres en partaient sur la route de Saké, à l'ouest. «La situation sécuritaire à Goma est stable. Pour l'instant, le cessez-le- feu décidé par le CNDP (rébellion) est respecté par toutes les parties», a affirmé à l'AFP le chef des opérations militaires de la Monuc, le colonel Samba Tall, qui se trouve à Kinshasa.

«Pour nous, le mandat de la Monuc n'a pas changé. Nous continuons à protéger la population», a-t-il poursuivi.

Mais, pour Laurent Nkunda, la Monuc ne «pourra pas l'empêcher» de prendre Goma, dans un entretien par téléphone avec l'AFP à Kampala.

«Ils sont incapables d'assurer la sécurité de la population de Goma, donc comment pourraient-ils m'interdire d'aller là-bas? Ils ne m'en empêcheront pas, je peux aller partout au Congo», a lancé le chef rebelle.

La communauté internationale se mobilisait de son côté devant le drame humanitaire qui se profile: des dizaines de milliers de civils fuient les combats dans l'ensemble du Nord Kivu, notamment à Rutshuru (75 km nord de Goma), et le risque d'un conflit direct entre la RDC et le Rwanda.

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné dans la nuit l'offensive des rebelles et exprimé son inquiétude au sujet de tirs à la frontière avec le Rwanda. Le secrétaire-général de l'Onu Ban ki-Moon a envoyé deux émissaires, l'un à Kinshasa, l'autre à Kigali.

Les Européens examineront jeudi ou vendredi la possibilité d'envoyer dans la région une mission militaire dont le rôle doit être humanitaire, a déclaré le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner, dont le pays assure la présidence de l'UE.

Le commissaire européen au Développement Louis Michel, arrivé mercredi à Kinshasa, a affirmé qu'il ne croyait «pas à l'option militaire» mais «à l'option diplomatique et à l'option politique».

La secrétaire d'Etat adjointe américaine aux Affaires africaines, Jendayi Frazer, est aussi attendue à Kinshasa pour rencontrer le président Kabila. Elle ira ensuite à Kigali, mais a prévenu les rebelles qu'ils «ne devraient pas entrer» dans Goma.

La ministre rwandaise des Affaires étrangères, Rosemary Museminali, devait aussi se rendre à Kinshasa, alors que les deux pays s'accusent mutuellement d'avoir bombardé leurs territoires.