Les Guinéens sont frustrés. Ils voient les bateaux quitter leur pays, les cales bourrées de bauxite.

«La Guinée est un scandale géologique, un scandale de pauvreté», accuse le conseiller juridique du ministre des Mines, Saadou Nimaga.

La Guinée est pauvre, mais son sous-sol est immensément riche: bauxite, fer, or, diamant, uranium. Un journal satirique, Le Lynx, a écrit le 15 septembre: «Notre pays offre le spectacle paradoxal d'une nation qui, couchée sur un lit d'or, meurt de faim.»

 

«Les contrats entre les compagnies et le gouvernement guinéen sont mal ficelés, affirme Saadou Nimaga. Ils nous désavantagent. Les redevances versées par les sociétés minières sont nettement insuffisantes.»

Autre problème, ajoute M. Nimaga, l'incompétence et la corruption de l'État, qui est incapable de calculer la quantité exacte de matières premières extraites par les compagnies. C'est pourtant sur cette base que les redevances sont fixées.

«Il n'y a pas suffisamment de contrôle et les compagnies évitent d'être examinées sérieusement, dit-il. En 2007, le Conseil des ministres a décidé de créer un comité chargé de revoir tous les contrats signés avec les sociétés minières.»

Les entreprises sont inquiètes: instabilité politique, corruption, remise en question des contrats.

Le directeur général de Rio Tinto Alcan en Guinée, Robert Théorêt, sortait d'une réunion organisée à Conakry par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale lorsque je l'ai rencontré. Les sociétés minières avaient été convoquées. Il y avait de la nervosité dans l'air.

«Ici, tout marche à la rumeur, raconte M. Théorêt. Les compagnies sont inquiètes. Elles veulent sécuriser leurs investissements. Depuis deux ans, quatre ministres des Mines se sont succédé. C'est très difficile de faire avancer un dossier dans un tel contexte. Sans oublier la crise sociale et politique, les grèves...»

Rio Tinto essaie de démarrer un gigantesque projet d'extraction de fer dans l'arrière-pays. Elle vise une production de 70 millions de tonnes par année. Revenus bruts anticipés: plusieurs milliards de dollars.

Rio Tinto a commencé à construire les infrastructures: une ligne de chemin de fer et un port en eau profonde. Elle a déjà investi 300 millions de dollars. Le 1er août, Rio Tinto a reçu une lettre du gouvernement guinéen: le contrat ne tient plus, il sera renégocié.

«Rio Tinto a été trop gourmande, dit Saadou Nimaga. Aujourd'hui, le gouvernement se réveille et veut revoir les conditions.»

«Nous souhaitons la présence de Rio Tinto, précise le ministre des Mines, Loucéni Nabé, nommé le mois dernier. Mais nous voulons proposer aux entreprises un contrat type qui élimera les distorsions.»

Rio Tinto n'est pas la seule à se ronger les sangs. Les Chinois et les Russes sont également présents. Tous devront s'incliner devant la volonté du gouvernement, incarné par le nouveau ministre des Mines. Mais combien de temps restera-t-il en poste?