Le chef de l'opposition du Zimbabwe Morgan Tsvangirai a menacé dimanche de rompre l'accord de partage du pouvoir signé avec le président Robert Mugabe, sur fond de dispute pour l'attribution des ministères à la veille d'une mission du médiateur sud-africain Thabo Mbeki.

Alors que les négociations pour le partage des postes du futur gouvernement d'union prévu par l'accord du 15 septembre étaient bloquées, M. Mugabe a fait savoir samedi qu'il attribuait unilatéralement à son parti, l'Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF), la plupart des postes-clés, dont la Défense, les Affaires étrangères, l'Intérieur et le Gouvernement local. «S'ils (la Zanu-PF) persistent dans cette voie, nous n'avons pas le droit de faire partie d'un tel accord», a protesté dimanche Morgan Tsvangirai, premier ministre désigné du futur gouvernement.

«Nous renégocierons jusqu'à ce qu'un accord soit trouvé, mais cela ne signifie pas que nous transigerons pour leur faire plaisir», a lancé le chef du Mouvement pour le changement démocratique (MDC) devant plusieurs milliers de partisans réunis à Harare.

«Nous pensions qu'ils seraient raisonnables et équitables dans leur partage du pouvoir. Mais si vous (la Zanu-PF) dites que l'ensemble des 15 ministères-clés vous reviennent, nous ne sommes pas d'accord», a ajouté Morgan Tsvangirai, mêlant sa langue maternelle, le shona, à l'anglais. «Nous avons signé l'accord car nous croyions dans l'égalité entre les parties».

Selon lui, si le camp présidentiel conserve la Défense, le MDC doit décrocher celui de l'Intérieur. Or, la répartition décidée par Robert Mugabe ne concède à l'opposition que des postes de moindre importance.

Face au risque que le pays, déjà plongé dans une grave crise économique accompagnée d'une inflation inouïe, s'enlise à nouveau dans l'impasse politique, le président de la Commission de l'Union africaine (UA) Jean Ping a lancé, dimanche à Kinshasa, «un appel aux parties zimbabwéennes pour que cet accord soit appliqué correctement».

Le président Mugabe, 84 ans dont 28 au pouvoir, a pris sa décision alors que les négociateurs des trois parties (la Zanu-PF, le MDC et une faction dissidente de ce parti) avaient pourtant décidé, vendredi, de faire appel au médiateur pour surmonter le «blocage» dans les négociations.

L'ex-président sud-africain, qui agit au nom de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC), est attendu lundi à Harare, a confirmé dimanche à l'AFP à Johannesburg son porte-parole.

«L'attribution des ministères et tous les autres sujets seront abordés à Harare lors de ses rencontres avec les leaders politiques du pays», a-t-il dit.

«M. Mbeki, nous vous en conjurons, aidez le Zimbabwe. Nous avons besoin de vous», a insisté pour sa part le porte-parole du MDC Nelson Chamisa. La faction dissidente du MDC, dirigée par Arthur Mutambara, a également espéré que la médiation puisse «résoudre cette impasse».

Thabo Mbeki a été l'artisan de l'accord de partage du pouvoir. Ce texte prévoit que Robert Mugabe reste président tandis que son rival Morgan Tsvangirai devient son premier ministre avec Arthur Mutambara pour adjoint.

Selon la liste du gouvernement contestée publiée samedi par le quotidien d'État The Herald, la Zanu-PF aurait 14 ministères, le MDC-Tsvangirai en obtiendrait 13 et le MDC-Mutambara trois. Seul le portefeuille des Finances serait soumis à l'arbitrage du médiateur.

La crise au Zimbabwe a commencé après les élections générales de mars, quand l'opposition a obtenu la majorité à la Chambre des députés tandis que Morgan Tsvangirai est arrivé en tête du premier tour de la présidentielle.

Face aux violences déchaînées contre ses partisans, l'opposant a boycotté le second tour que Robert Mugabe a maintenu envers et contre tous, remportant en juin un scrutin où il était seul en lice.