Le président zimbabwéen Robert Mugabe a unilatéralement attribué à son parti la plupart des portefeuilles clés du futur gouvernement, provoquant samedi la colère de l'opposition qui estime «en péril» l'accord sur le partage du pouvoir.

Selon le journal d'État The Herald, les ministères très convoités de la Défense, des Affaires étrangères, de l'Intérieur et du Gouvernement local reviennent au parti au pouvoir, l'Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF). Une décision prise par le président Mugabe sans l'accord de l'opposition. Le Mouvement pour le changement démocratique (MDC, opposition) a de son côté publié samedi sa propre liste, attribuant ces portefeuilles à l'exception de la Défense à son parti. La Zanu-PF avait contesté la veille cette répartition et réclamé ces ministères, a souligné le MDC dans un communiqué.

Depuis près d'un mois, la mise en place d'un gouvernement d'union nationale achoppe sur la répartition de ces portefeuilles. Mais pour The Herald, 30 des 31 ministères ont été distribués suivant «les termes de l'accord signé» entre le pouvoir et l'opposition le 15 septembre après des mois de crise.

Seul le ministère stratégique des Finances n'a pas été attribué par le chef de l'État, a assuré le quotidien, selon lequel le médiateur Thabo Mbeki est attendu à Harare la semaine prochaine pour régler cette question.

L'ancien président sud-africain a confirmé sa venue lundi à Harare «pour discuter des problèmes qui retardent la mise en place de l'accord sur un partage du pouvoir», a indiqué samedi à l'AFP son porte-parole, Mukoni Ratshitanga, sans donner plus de précisions.

La veille, les négociateurs avaient décidé de faire appel à lui après avoir constaté «un blocage» dans les discussions sur le futur gouvernement.

Pour l'opposition, l'allocation surprise des ministères est «un acte de folie qui met l'ensemble de l'accord en péril». «La Zanu-PF ne peut attribuer durant la nuit des ministères, quelques heures après que les trois leaders aient décidé de (...) faire appel au médiateur», a souligné le porte-parole du MDC, Nelson Chamisa dans un communiqué.

«Cette liste n'est pas et ne sera pas approuvée par le MDC. Elle est unilatérale, méprisante et scandaleuse», a-t-il assuré, dénonçant l'«arrogance» du parti de M. Mugabe.

Selon la décision du chef de l'État, 84 ans dont 28 ans au pouvoir, le MDC obtiendrait 13 portefeuilles, un nombre conforme à l'accord signé mi-septembre, mais de moindre envergure comme ceux des Affaires constitutionnelles et parlementaires, de la Planification économique et du Travail.

La faction dissidente du MDC, menée par Arthur Mutambara, aurait en charge trois ministères, dont l'Education.

Le MDC en a appelé une fois encore à la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC), qui a mandaté M. Mbeki comme médiateur, l'Union africaine (UA) et la communauté internationale pour sortir le pays de cette «impasse», née de la défaite du régime aux élections générales du 29 mars.

Selon un analyste de l'université de Masvingo, Takavafira Zhou, «la Zanu-PF essaye de contrarier le MDC pour qu'il se retire de l'accord et le lui reprocher ensuite».

«Se retirer de l'accord serait futile. Les Zimbabwéens souffrent et le MDC peut utiliser les ministères qui lui sont alloués pour tenter d'améliorer la vie des Zimbabwéens et rallier des gens à leur cause. S'il se retire, il devra utiliser une autre stratégie mais que peut-il faire si la Zanu-PF a le contrôle de l'armée et de la police?», s'est interrogé M. Zhou.

L'économie du Zimbabwe est en chute libre. Des millions de personnes sont menacées de famine et l'hyperinflation y bat des records mondiaux à 231 millions de pour cent en taux annuel.