Le nouveau président d'Afrique du Sud, Kgalema Motlanthe, sera sur la corde raide jusqu'aux élections générales de 2009, en tentant d'améliorer l'image du gouvernement sans faire trop d'ombre aux leaders qui attendent leur tour.

 Le troisième président noir depuis l'avènement de la démocratie multiraciale il y a quatorze ans «dispose d'une équipe en général plutôt bonne», estime Hennie van Vuuren, directeur du programme de gouvernance à l'Institute for Security Studies.«La question est de savoir jusqu'à quel point (le chef du Congrès national africain Jacob) Zuma va tenter de contrôler le processus de décisions», ajoute l'analyste.

M. Motlanthe a pris jeudi les rênes d'un pays secoué par la brutale décision prise le 20 septembre par le Congrès national africain (ANC), ultra-majoritaire, de révoquer le président Thabo Mbeki, au pouvoir depuis neuf ans, sur fond de luttes intestines.

Les dissensions entre le parti et le gouvernement n'ont fait qu'empirer depuis un congrès de l'ANC en décembre 2007, lorsque l'aile gauche de la formation avait renversé la direction de M. Mbeki au bénéfice du populiste Zuma.

Le nouveau président, un modéré respecté des deux clans, a amorti l'instabilité en nommant immédiatement son gouvernement, un mélange d'anciens ministres de M. Mbeki et de nouvelles figures.

Mais son action ne pourra être que temporaire. M. Zuma a déjà été désigné tête de liste de l'ANC pour les élections générales du 2e trimestre 2009 et devrait donc lui succéder lors de la prochaine législature.

En outre, M. Motlanthe est le vice-président du parti, sous la coupe directe de son leader, note Dirk Kotze, chercheur en sciences politiques à l'Université d'Afrique du Sud. Ce qui le place de facto en position de délégué, chargé de préparer la route au prochain gouvernement.

«Il va devoir faire attention de ne pas prendre d'initiatives perçues comme décidées sans Zuma», avertit M. Kotze. «D'une certaine façon, il agit au nom de Zuma. Il va devoir en permanence chercher l'équilibre entre cette réalité et l'obligation dans laquelle il se trouve d'améliorer la qualité du gouvernement.»

M. Kotze souligne déjà des changements notables dans la composition du gouvernement Motlanthe, avec l'éviction de deux ministres particulièrement impopulaires, celle de la Santé Manto Tshabalala-Msimang et celui de la Sécurité Charles Nqakula.

La première est responsable d'années de retard dans la distribution des médicaments antirétroviraux qui auraient pu éviter des dizaines de milliers de morts du sida, et du délabrement des services publics de santé.

Le second, confronté à une criminalité record, n'avait rien trouvé de mieux à rétorquer à ceux qui s'en plaignaient que les inviter «à quitter le pays».

Mais, avec un mandat si court, les analystes doutent que M. Motlanthe ait l'opportunité d'imprimer de vraies inflexions, notamment dans la lutte contre la pauvreté. En dépit d'une croissance soutenue, 43% des Sud-Africains vivent toujours avec moins de deux dollars par jour.

«Les roues du gouvernement bougent très lentement lorsqu'il s'agit de changer les choses», remarque Kwandiwe Kondlo, du Human Sciences Research Council. «On ne peut pas attendre de ce gouvernement qu'il y réussisse en quelques mois.»

Mais l'ancien dirigeant syndical peut parvenir à changer la perception du gouvernement, estime Judith February, de l'Institute for Democracy in South Africa.

«Motlanthe est un président très différent» de son prédécesseur, perçu comme un intellectuel froid et distant, affirme-t-elle. «Il est plus à l'écoute et ouvert à la discussion.»

Selon elle, la marque de la présidence Motlanthe sera perceptible au travers d'un «ton très différent dans les relations avec les gens». «C'est ce pour quoi il est connu et qui lui permet de traverser des situations très difficiles», conclut l'analyste.