La salve de tweets et le comportement agressif de Donald Trump ont laissé craindre le pire jusqu'à la toute dernière minute. Le sentiment d'angoisse était tel, au quartier général futuriste de l'OTAN, que les dirigeants des pays membres ont convoqué une réunion d'urgence hier matin, à quelques heures de la fin du sommet de Bruxelles.

La catastrophe a finalement été évitée... jusqu'à la prochaine crise.

« Ç'a été deux journées fantastiques, a claironné le président américain avec le sourire, pendant une conférence annoncée à la toute dernière minute vers midi. Tout s'est réglé en fin de compte ! »

LE « FARDEAU »

La pomme de discorde entre les États-Unis et les 28 autres pays membres de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) touche le « partage du fardeau ». Washington se plaint depuis des années de payer plus que sa juste part, mais Donald Trump a poussé ces critiques à un niveau jamais vu au cours des derniers jours.

Dans une série de déclarations et de messages incendiaires sur Twitter, Trump a vilipendé l'OTAN dans des termes extrêmement durs. Il a traité les pays membres de profiteurs. Menacé de quitter l'organisation. Et même exigé des « remboursements » pour toutes les sommes qui auraient été « impayées » à Washington par ses alliés au cours des dernières décennies.

RÉINVESTISSEMENT MASSIF

Les critiques de longue date des États-Unis sur le financement ont fini par porter leurs fruits. Pendant le sommet de l'OTAN de 2014 au pays de Galles, les membres du groupe se sont entendus pour rehausser notablement leurs dépenses militaires après des années de réduction.

Ils ont affirmé leur volonté d'investir l'équivalent de 2 % de leur produit intérieur brut (PIB) dans leurs budgets militaires respectifs d'ici 2024. Ou, à tout le moins, de mettre tous les moyens en oeuvre pour s'approcher de cette cible.

À l'heure actuelle, les pays de l'OTAN investissent en moyenne 1,47 % de leur PIB en défense, contre 3,50 % pour les États-Unis, dotés d'un gigantesque budget militaire de 623 milliards US.

Cet engagement de l'OTAN, pris il y a quatre ans à l'ère de Barack Obama, commence aujourd'hui à se faire sentir. Les dépenses conjointes des pays de l'OTAN en défense - excluant les États-Unis - augmenteront de 41 milliards de dollars américains cette année. D'ici 2024, elles auront encore grimpé de 266 milliards.

LE MÉRITE À TRUMP ?

« Si vous demandez au secrétaire général [de l'OTAN] Stoltenberg, il nous donne entièrement le mérite - ce qui veut dire, dans ce cas, qu'il me donne entièrement le mérite », s'est félicité hier Donald Trump.

Le président laisse entendre que ses demandes musclées des deux derniers jours auraient poussé les alliés à sortir leur chéquier pour injecter davantage d'argent en défense que ce qui avait été convenu en 2014.

Or, il n'en est rien.

Pendant sa conférence de presse finale à Bruxelles, le premier ministre Justin Trudeau a confirmé que le Canada s'engageait toujours à rehausser ses dépenses militaires de 70 % pendant la prochaine décennie. Ottawa n'a cependant pris aucun engagement financier supplémentaire cette semaine à Bruxelles.

Le président français Emmanuel Macron a lui aussi remis les pendules à l'heure. La somme mentionnée par Trump en conférence de presse correspond « à l'augmentation qui a été actée cette année d'ores et déjà des dépenses et qui a été confirmée par les États membres », a-t-il déclaré aux journalistes hier.

Même son de cloche chez Stéfanie von Hlatky, professeure associée au département de sciences politiques de l'Université Queen's et spécialiste de la coopération militaire, qui a assisté au sommet de Bruxelles.

« Il y a plusieurs alliés qui sont prêts à donner un peu de mérite à Donald Trump, mais la tendance est à la hausse depuis 2014 », explique la professeure von Hlatky. 

« Il y a cette année-là l'invasion de la Crimée, le début des opérations contre l'État islamique, ce qui n'a aucun rapport avec Trump, poursuit-elle. Est-ce que dans la dernière année, les déclarations de Trump ont influencé les alliés ? C'est difficile à dire, ça reste à prouver. »

Mme von Hlatky croit que le président américain « s'adressait surtout à une audience à la maison » avec ses déclarations incendiaires des derniers jours. « Il a construit une histoire, en disant que ça va mal, il a fait la fanfare pendant deux jours, et ensuite il s'est posé en champion qui a sauvé le sommet. »

LOIN DES VRAIS ENJEUX

En tant qu'experte des questions militaires et de l'OTAN, Stéfanie von Hlatky se dit un peu « frustrée » par la tournure des évènements. Les coups de gueule de Trump sur la question du financement, déjà réglée depuis quatre ans, ont détourné l'attention d'une série de vrais enjeux - et de vrais succès - de l'OTAN, comme les efforts en matière de lutte contre le terrorisme ou de préparation des troupes, note-t-elle.

Il reste que malgré l'extrême attention portée à Donald Trump ces deux derniers jours, le désastre appréhendé a été évité à Bruxelles. Le président américain est reparti le sourire aux lèvres vers sa prochaine destination, Londres, sans pousser de hauts cris comme il l'avait fait après le sommet du G7 de Charlevoix.

De nouveaux affrontements sont quand même à prévoir : Trump souhaite maintenant que les membres de l'OTAN investissent 4 % de leur PIB en défense. Une idée qui a été écartée du revers de la main par plusieurs leaders à Bruxelles... du moins pour le moment.

Trudeau satisfait

Le premier ministre Justin Trudeau s'est dit très satisfait de son passage à Bruxelles, hier, pendant une conférence de presse. 

Le Canada a profité du sommet de l'OTAN pour annoncer une nouvelle mission de formation militaire en Irak sous commandement canadien, qui commencera dès l'automne prochain. M. Trudeau a confirmé que le Canada visait toujours à respecter les engagements financiers pris par les membres de l'OTAN en 2014. 

Il a toutefois refusé de dire à quel moment le Canada pensait atteindre la cible de 2 % du PIB en matière de dépenses militaires. Ottawa estime qu'il sera rendu à 1,4 % en 2024. « Nous continuons de reconnaître à quel point l'OTAN est importante et nous allons toujours arriver avec de l'argent, oui, mais aussi avec des engagements et des capacités », a-t-il fait valoir. 

Le premier ministre a qualifié sa discussion avec Donald Trump, tenue avant-hier en marge du sommet, de « courte et amicale ».