Le pape a demandé dimanche aux 1,3 milliard de catholiques de la planète de ne pas ignorer le drame des migrants souvent «expulsés de leurs terres» par des dirigeants prêts à «verser du sang innocent», dans une homélie de Noël appelant à «l'hospitalité».

L'Argentin Jorge Bergoglio, petit-fils de migrants italiens, a fait du sort des réfugiés l'un des thèmes fondamentaux de son pontificat entamé voici près de cinq ans.

«Personne ne doit sentir qu'il n'a pas sa place sur cette Terre», a-t-il estimé dans sa traditionnelle homélie de la veillée de Noël, précédant son cinquième message de Noël «Urbi et orbi» («à la ville et au monde»), à la tonalité plus politique, qu'il adressera lundi.

Autre temps fort spirituel de la veille de Noël, la messe de minuit dans l'antique Bethléem, là où est né Jésus selon le Nouveau Testament, n'a pas échappé aux tensions du moment.

Pierbattista Pizzaballa, haut dignitaire catholique romain du Proche-Orient qui a célébré la messe, a exhorté au courage les chrétiens, «préoccupés et peut-être épouvantés de la diminution de (leur) nombre» dans une région en plein tumulte.

Il a fustigé les guerres menées par «les Hérode d'aujourd'hui pour devenir plus grands, occuper plus d'espace», en faisant référence à l'ancien roi de Judée.

Dans l'antique Bethléem, aujourd'hui en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël, il n'a pu s'empêcher de se démarquer de son discours prévu pour évoquer la décision unilatérale prise le 6 décembre par Donald Trump de reconnaître Jérusalem capitale d'Israël.

Les églises traditionnelles ont déjà exprimé leur réprobation. Mais Mgr Pizzaballa a insisté: «Jérusalem est une cité de paix, il ne peut y avoir de paix si l'un est exclu», a-t-il dit en s'appuyant sur le principe déjà affimé que Jérusalem doit être une ville pour deux peuples et trois religions.

«Jérusalem est notre mère» et si la mère perd un de ses enfants, elle «ne peut trouver la paix, alors prions pour Jérusalem», a-t-il dit dans son homélie prononcée en présence du président palestinien Mahmoud Abbas.

La décision de M. Trump a provoqué des manifestations quasi-quotidiennes dans les Territoires, et terni la fête de Noël pour les chrétiens palestiniens.

Sur la place de la Mangeoire, l'ambiance était morose, malgré les chants de Noël diffusés par hauts-parleurs.

Quelques centaines de Palestiniens et de touristes étrangers ont bravé un vent froid près de l'église de la Nativité érigée sur le site où, selon la tradition, Marie donna naissance à Jésus, pour regarder un défilé de scouts. Dans la soirée, les premières pluies denses depuis pas mal de temps ont encore assombri les esprits.

«C'est triste», «les gens sortent peu», a dit à l'AFP Nahil Banoura, un Palestinien de confession chrétienne originaire de Beit Sahour.

Noël de retour à Mossoul

Pour les Palestiniens, chrétiens comme musulmans, la reconnaissance par Washington de Jérusalem en tant que capitale d'Israël ne préjuge pas seulement du résultat de négociations, dont le statut de cette ville devrait faire l'objet.

Elle nie l'identité arabe de Jérusalem-Est, occupée et annexée par Israël, et mine leur aspiration à y établir un jour la capitale de leur futur Etat.

Dans un communiqué, le président palestinien a de nouveau dénoncé la décision américaine, appelant «les chrétiens du monde à écouter les (...) voix des chrétiens de Terre sainte qui rejettent catégoriquement la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël».

S'exprimant dimanche au cours d'une conférence de presse à Khartoum, le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré qu'il avait discuté de Jérusalem avec le pape. «Ce n'est pas qu'une affaire concernant les musulmans, mais aussi les chrétiens et l'humanité entière», a-t-il affirmé, soulignant qu'il fallait oeuvrer à de nouvelles démarches après les votes au Conseil de sécurité et à l'Assemblée générale de l'ONU.

En Syrie et en Irak, deux pays d'où le groupe djihadiste État islamique (EI) a été chassé en 2017 de la très grande majorité des territoires qu'il avait conquis il y a trois ans, des minorités chrétiennes renouent en revanche cette année avec les célébrations de Noël.

C'est le cas à Mossoul, la deuxième ville d'Irak, reprise en juillet par les forces gouvernementales avec l'aide d'une coalition internationale antijihadistes.

Même si seule une petite partie des chrétiens de cette cité est revenue, des chants de Noël ont de nouveau résonné dimanche dans l'église Saint-Paul où des tentures rouges et blanches cachaient en partie les stigmates de la guerre.

Le patriarche chaldéen Mgr Louis Sako a appelé les dizaines de fidèles présents à prier pour «la paix et la stabilité à Mossoul, en Irak et dans le monde».

En Syrie, dans l'autre ex-bastion de l'EI, Raqa, repris en octobre par une coalition de forces kurdes et arabes, il faudra encore attendre avant de retrouver l'esprit de Noël : même si deux églises historiques ont été déminées, les habitants ne sont pas encore revenus.

À Homs (centre), en revanche, la communauté chrétienne a célébré Noël pour la première fois depuis la reprise totale de cette ville par le régime de Bachar al-Assad et la fin des combats, avec des récitals, une procession et des spectacles pour enfants.

Sécurité renforcée

À Damas, les rues des quartiers en majorité chrétiens, tels Bab Touma, ont été décorées de sapins miniatures ornés de paillettes dorées ou argentées.

La situation des chrétiens d'Orient demeure toutefois précaire, comme en Egypte, où les Coptes, qui fêteront Noël le 6 janvier, sont régulièrement victimes d'agressions de la part d'extrémistes.

Vendredi, une église du sud du Caire a été attaquée par des centaines de personnes qui ont détruit le mobilier et s'en sont pris aux fidèles avant l'intervention des forces de sécurité, selon l'archevêché d'Atfih.

En Europe, où la menace djihadiste demeure, près de 100 000 membres des forces de sécurité sont mobilisés dimanche et lundi en France à l'occasion des fêtes de Noël, notamment autour des lieux touristiques et des églises, d'après une source officielle.