Facebook, qui peine à trouver un juste équilibre dans ses efforts pour réguler le contenu mis en ligne par ses utilisateurs, vient de susciter une nouvelle controverse en censurant une organisation pro-choix néerlandaise.

Women on Web fournit à des femmes dans le besoin des informations relatives à un traitement médicamenteux qui permet de déclencher une interruption de grossesse et leur expédie par la poste les produits requis si elles ne peuvent y recourir sans contrevenir aux interdictions en vigueur dans leur pays.

Facebook a décidé jeudi de suspendre sa page sous prétexte qu'elle « encourage[ait] la consommation de drogue ».

Women on Web a dénoncé la décision par l'entremise de la page d'une organisation apparentée, Women on Waves, qui pratique des avortements en eaux internationales à des femmes provenant de pays où l'intervention est interdite.

Rebecca Gomperts, qui chapeaute les deux organisations, a indiqué hier qu'elle avait d'abord tenté d'en appeler auprès de Facebook en procédant en ligne par l'entremise d'une icône accompagnant le message de suspension.

Un courriel subséquent de l'entreprise a précisé que la page de Women on Web serait non seulement suspendue, mais retirée parce qu'elle contrevenait à ses règles d'utilisation.

« Nous avons alors décidé de publier un tweet pour dénoncer la situation et les médias lui ont donné un large écho. S'ils ne l'avaient pas fait, notre page aurait sans doute été définitivement retirée », a indiqué hier Mme Gomperts.

Ce n'est finalement qu'au bout de 24 heures que l'accès à la page Facebook a été rétabli sans que la moindre explication soit avancée.

« Il y a quelque chose d'effrayant dans la manière dont ils procèdent. Ça semble totalement arbitraire s'ils interviennent ou non. Ils ne se basent pas sur des critères appropriés et il n'y a pas de véritable processus d'appel. On ne sait pas avec qui on traite. »

Ce n'est pas la première fois qu'elle a maille à partir avec Facebook. L'entreprise avait bloqué son compte personnel pendant quelques jours en 2012 sous prétexte qu'elle diffusait, dans l'espace réservé à sa photo d'accueil, de l'information sur une façon de pratiquer un avortement par voie médicamenteuse.

La firme s'était excusée à cette occasion, rappelle Mme Gomperts, qui rejette en partie la responsabilité sur des militants antiavortement pour ces difficultés. « Ils portent plainte sur plainte sur plainte à Facebook dans l'espoir de nous empêcher de fonctionner normalement », dit-elle.

Des censures critiquées

Le réseau social a suscité plusieurs polémiques par le passé en tentant de bloquer du contenu jugé contraire à la politique des responsabilités et des droits des usagers.

L'interdiction en 2016 d'une photo historique montrant une jeune Vietnamienne tentant d'échapper à un bombardement au napalm avait notamment soulevé un tollé. L'entreprise avait jugé qu'elle contrevenait à ses règles parce qu'elle comportait de la nudité infantile.

L'interdiction de comptes reproduisant L'origine du monde, tableau de Gustave Courbet montrant une femme nue allongée sur le dos, avait aussi fait beaucoup de vagues.

L'entreprise s'est retrouvée sur la sellette plus récemment parce que des meurtres et des viols ont été diffusés en direct sur son réseau par l'entreprise de la fonction Facebook Live. Dans certains cas, son personnel a mis 24 heures à retirer les vidéos signalés par des utilisateurs outrés.

Début mai, les dirigeants de Facebook ont annoncé l'embauche de 3000 personnes additionnelles afin de revoir plus rapidement le contenu vidéo mis en ligne.

Le dirigeant de l'entreprise, Mark Zuckerberg, considère que le réseau social est un outil de diffusion et qu'il ne peut à ce titre être tenu responsable du contenu publié par les utilisateurs.

La loi américaine confère une large latitude à la firme et la protège contre les poursuites pour du contenu jugé offensant. La législation en vigueur en Europe et au Québec est cependant plus restrictive.