Victoires du Brexit et de Donald Trump: 2016 aura été l'année du séisme populiste des deux côtés de l'Atlantique, rendant plus imprévisibles que jamais le cap de la Maison-Blanche et les prochaines échéances électorales en Europe.

23 juin et 8 novembre 2016: à quatre mois et demi d'intervalle, des millions de Britanniques et d'Américains ont traduit dans les urnes «un rejet de l'establishment» et «un sentiment similaire d'angoisse» face à la mondialisation, l'immigration ou le terrorisme, résume Richard Wike, du Pew Research Center.

Mondialisation et immigration sont accusées de précariser l'emploi et de bousculer repères démographiques et culturels. Et beaucoup de gens, même aux États-Unis, le pays du «melting pot», «font l'association entre immigration et sécurité», dit-il.

En Europe, des Pays-Bas à la Pologne, de la Suède à l'Italie, la comparaison avec les années 30 revient comme un refrain. Et l'horizon politique est désormais scruté à l'aune quasi-exclusive des hauts et des bas de mouvements qui promettent d'en finir avec les élites urbaines et bruxelloises et de «rendre» leur pays aux classes moyennes.

L'arrivée le 20 janvier de Donald Trump à la tête de la plus puissante démocratie du monde annonce-t-elle une prise de pouvoir des populistes en Europe?

Comme lors des campagnes du Brexit ou de la présidentielle américaine, des thèmes chers aux populistes comme les travers de la mondialisation, de l'immigration ou de l'intégration des musulmans dominent les débats pré-électoraux. Débats alimentés par l'arrivée sur le Vieux Continent depuis 2015 de plus de 1,3 million de personnes, pour beaucoup musulmanes, et une série d'attentats islamistes particulièrement sanglants.

Après la défaite le 4 décembre du candidat populiste Norbert Hofer à la présidentielle autrichienne, partis traditionnels et europhiles ont été soulagés qu'il n'y ait pas eu d'«effet Trump».

Mais les mêmes s'inquiètent désormais pour l'Italie, troisième économie de la zone euro, après la démission du chef du gouvernement Matteo Renzi: elle pourrait conduire à des élections anticipées et galvanise déjà les populistes du Mouvement 5 étoiles et de la Ligue du Nord.

Les Pays-Bas organiseront aussi des législatives en mars: le parti de l'extrémiste anti-musulman Geert Wilders pourrait arriver en tête pour la première fois, même si le paysage politique néerlandais, très fractionné, pourrait l'empêcher de former une coalition gouvernementale.

Suivra en mai la présidentielle française. Le Front national et sa candidate Marine Le Pen sont attendus au second tour face au conservateur François Fillon, même si la décision du président sortant François Hollande de ne pas se représenter ouvre le jeu.

À l'automne, Angela Merkel se représentera devant les électeurs. Après avoir longtemps mieux résisté que ses voisins à la vague populiste, la chancelière allemande, qui en 2015 ouvrait grand la porte aux réfugiés, subit aujourd'hui la montée du parti anti-immigration et anti-islam AfD - crédité de près de 13% d'opinions favorables - et de vives critiques au sein de sa famille politique.

Les sondages donnent aujourd'hui Merkel gagnante et Le Pen perdante. Mais tout peut encore changer et les sondeurs sont discrédités, qui pour la plupart ont laissé croire à la défaite du Brexit et l'élection d'Hillary Clinton.

Yascha Mounk, chercheur à l'école de gouvernement de Harvard, estime «l'incertitude énorme» pour 2017.

«Une chose est sûre: l'élection de Trump prouve qu'il n'y a pas de limite naturelle à la croissance de mouvements populistes. Si les gens pensent que c'est impossible que Marine Le Pen gagne, ils font la même erreur qu'ont faite beaucoup de mes amis en pensant que Trump ne pouvait pas gagner», dit-il.

Trump sera-t-il le Berlusconi américain ? Un pragmatique capable de solutions originales pour relancer les États-Unis ? Ou un imprévisible narcissique aux commandes de la première puissance nucléaire mondiale?

Pour M. Mounk, l'inquiétude porte sur les bases mêmes du système démocratique américain. Trump pourrait «menacer la séparation des pouvoirs», dit-il, faisant des États-Unis «une démocratie défectueuse, comme l'Ukraine ou certains pays d'Amérique latine».

Dans l'immédiat, «la victoire (de Trump) donne une certaine confiance» aux populistes européens et «facilite leur discours», explique Giovanni Grevi, analyste au European Policy Centre à Bruxelles.

Mais leur progression, dit-il, dépendra beaucoup de la façon dont le magnat de l'immobilier et de télé-réalité propulsé à la Maison-Blanche «traduira en actions les promesses du candidat»: stopper la désindustrialisation en rapatriant des millions d'emplois partis en Chine ou au Mexique, et renvoyer dans leur pays d'origine les immigrés clandestins - priorités partagées par les populistes européens.

Certains responsables populistes européens se sont déjà posés en alliés, comme Marine Le Pen qui la première a félicité Trump, ou le leader europhobe britannique Nigel Farage, premier étranger à lui rendre visite. Au risque d'être sanctionnés si Trump échouait.

Au-delà du contexte politique propre à chaque pays, l'Europe, déjà ébranlée par les crises de l'euro et des réfugiés, «reste vulnérable», souligne M. Grevi.

Une nouvelle crise et la façon dont les pays européens travailleraient ensemble pour y faire face pourraient «faire la différence quant à l'avenir des forces populistes» européennes, dit-il.