L'itinéraire devant mener Fidel Castro de l'aéroport à son hôtel de Montréal devait rester secret, mais qui pouvait bien l'empêcher de rester dans une automobile ?

«Il n'arrêtait pas de dire «arrêtez, arrêtez, le peuple», se souvient Claude Dupras, qui avait aidé à organiser la brève visite du leader cubain dans la métropole québécoise en 1959.

Le secret avait été éventé. Fidel Castro a insisté pour arrêter trois fois le véhicule pour envoyer la main aux gens massés le long des rues, faisant fi de la volonté des policiers qui assuraient sa protection.

«Il voulait rencontrer tout le monde, il voulait envoyer la main à tout le monde», a ajouté M. Dupras, un ingénieur à la retraite et candidat malheureux à la mairie de Montréal à l'automne 1986.

Seule une «incroyable série» de circonstances avaient permis d'organiser cette visite de Fidel Castro à Montréal.

En 1959, Claude Dupras, alors âgé de 26 ans, était le président de la Jeune Chambre de commerce de Montréal. L'organisme avait mené une campagne pour amasser des jouets pour les enfants cubains. Il avait osé inviter Fidel Castro à venir accepter ces jouets en personnes.

M. Dupras, qui aujourd'hui reconnaît que l'invitation tenait plus du coup publicitaire, mentionne qu'il est presque tombé de sa chaise lorsqu'il a appris que le leader cubain avait accepté de venir à Montréal.

La visite devait conclure un séjour de Fidel Castro aux États-Unis qui devait l'amener à Boston et à New York. Castro et ses rebelles avaient renversé le dictateur Fulgencio Batista quatre mois auparavant.

Son séjour était prévu pour trois jours mais il a été réduit à une seule journée. Il avait même failli être annulé quelques jours avant son arrivée.

«Nous manquons de temps. Les plans ne cessaient de changer jusqu'à la dernière minute», raconte M. Dupras.

Fidel Castro est finalement arrivé le 26 avril. Sa délégation était transportée par deux appareils. À l'aéroport, plusieurs centaines de personnes ont renversé les barricades installées par les policiers pour aller à la rencontre du jeune dirigeant.

La visite s'est finalement déroulée sans anicroche. M. Dupras se souvient toutefois que son invité était souvent en retard et changeait souvent son itinéraire.

Au cours d'une visite à l'hôpital Sainte-Justine, il a surpris une nouvelle maman en entrant dans la maternité où elle nourrissait son bébé.

Fidel Castro a aussi participé à une conférence de presse où il a été interviewé par un journaliste du nom de René Lévesque.

Si la foule souhaitait rencontrer le jeune révolutionnaire, les politiciens cherchaient plutôt à éviter de se montrer avec lui en public.

Même s'ils étaient au courant de sa visite, ni le premier ministre canadien de l'époque, John Diefenbaker, ni les dirigeants politiques québécois n'ont rencontré Fidel Castro.

Plusieurs décennies plus tard, Fidel Castro a reçu un accueil chaleureux lors de sa deuxième visite à Montréal où il avait été invité à assister aux funérailles de son ami Pierre Trudeau. Le leader cubain figurait même parmi ceux les porteurs honoraires du cercueil, en compagnie du chanteur Leonard Cohen et de l'ancien président américain Jimmy Carter.

Il avait été accueilli par des cris «Viva Fidel!» lorsqu'il est entré à l'intérieur de la basilique Notre-Dame. Il avait ensuite consolé des membres de la famille Trudeau.

Malgré la controverse entourant le décès du dictateur et de l'éloge prononcé par le premier ministre Justin Trudeau, Claude Dupras qualifie Fidel Castro de «grand homme». Il ne se souvient pas qu'il y ait eu des manifestants sur l'itinéraire montréalais du révolutionnaire cubain en 1959.

«C'était la plus grande vedette de la planète à ce moment-là, souligne-t-il. Fidel Castro, nous parlions de lui tous les jours pendant un mois.»