Le FBI estime que le tireur d'Orlando, Omar Mateen, s'est probablement « autoradicalisé » en ligne avant de passer à l'acte en prêtant allégeance au groupe armé État islamique (EI). Le processus, qui est étudié depuis plusieurs années par les experts en terrorisme, repose sur une série de facteurs complexes qui le rendent difficile à prévoir et à prévenir. Explications.

COMMENT SURVIENT CETTE AUTORADICALISATION ?

Contrairement à ce que le mot utilisé pour le désigner semble suggérer, le processus ne signifie pas que le futur tueur s'est isolé complètement du monde pour trouver en ligne des écrits qui ont suffi à le pousser à agir. Lorne Dawson, spécialiste du terrorisme rattaché à l'Université de Waterloo, note que l'allégeance à une idéologie radicale et le recours subséquent à la violence passent habituellement par une dynamique de groupe qui peut se mettre en place avec des personnes vivant dans la communauté de l'individu concerné ou en ligne avec des personnes réparties sur un plus large territoire, voire à l'étranger, avec qui il commence à échanger après avoir entrepris sa recherche d'informations. Les loups solitaires « ne sont souvent pas si seuls qu'on le croit », note l'analyste, qui ne serait pas surpris d'apprendre qu'Omar Mateen interagissait en ligne avec des correspondants partageant son idéologie. De manière générale, il peut s'agir de membres en règle d'organisations extrémistes comme l'EI qui cherchent sciemment à recruter de nouveaux djihadistes, mais aussi de simples sympathisants qui propagent et alimentent leurs réflexions respectives et s'encouragent ultimement à durcir leur position. Certaines études en communication indiquent que les médias sociaux, par l'anonymat qu'ils confèrent, libèrent les inhibitions et permettent aux participants de discuter plus librement de sujets qui seraient autrement tabous, ce qui facilite la radicalisation de l'ensemble du groupe.

EXISTE-T-IL UN PROFIL TYPE D'INDIVIDU SUSCEPTIBLE DE S'AUTORADICALISER ?

Paul Gill, spécialiste en terrorisme installé à Londres, qui a constitué une banque de données exhaustive sur les loups solitaires à partir des cas recensés au cours des dernières années, note que leurs caractéristiques personnelles varient largement. « Ces individus ont des âges, des formations scolaires, des historiques professionnels, des états civils et des origines sociales très diversifiés. En bref, il n'y a pas de profil type », relevait le chercheur dans une analyse présentée l'année dernière. Selon Lorne Dawson, de l'Université de Waterloo, la même complexité s'applique aux combattants étrangers qui quittent leur pays pour aller rejoindre l'EI ou Al-Qaïda en Syrie ou en Irak. Certaines études suggèrent que ces personnes sont souvent marginalisées dans leur pays d'origine et cherchent, en adhérant au djihad, à se construire une vie plus valorisante. Des entrevues menées en ligne avec un échantillon restreint de ces combattants par son groupe de recherche suggèrent cependant que certains d'entre eux proviennent de milieux relativement privilégiés.

QU'EST-CE QUI AMÈNE LES LOUPS SOLITAIRES À PASSER À L'ACTE ?

Paul Gill souligne, dans l'analyse diffusée l'année dernière, qu'il est possible de manière « très superficielle » d'expliquer l'action violente de loups solitaires par leur adhésion à une idéologie radicale. L'approche passe cependant sous silence nombre de subtilités et ne dit pas ce qui a véritablement motivé leur adhésion à l'idéologie en question. Il s'agit souvent, en fait, de « l'aboutissement d'un mélange complexe de facteurs personnels, politiques et sociaux qui se cristallisent à un certain stade pour pousser l'individu sur le chemin de l'action violente », note le chercheur, qui met en garde contre la recherche d'explications « réductionnistes » et « simplistes ». « Non, ce n'est jamais qu'une question d'idéologie », dit-il. Les informations témoignant du trouble du tireur d'Orlando par rapport à l'homosexualité suggèrent que cette question a pu jouer un rôle déterminant dans son basculement vers la violence, relève Lorne Dawson à titre indicatif. « Il y a des raisons de croire qu'il vivait une crise d'identité sexuelle qui cadrait mal avec son identité officielle de musulman conservateur », note l'analyste. Le tireur semblait par ailleurs présenter des signes de maladie mentale, relève M. Dawson, qui y voit un autre facteur contributif potentiel. « Il semble dans son cas que des enjeux personnels et idéologiques ont convergé pour mener à la fusillade », conclut-il.