La droite au pouvoir en Islande, ébranlée par le scandale des Panama Papers qui a coûté son poste au premier ministre et jeté des milliers d'Islandais dans la rue, a désigné mercredi un nouveau chef de gouvernement et annoncé des législatives anticipées pour l'automne.

Aux termes de l'accord scellé mercredi soir entre le Parti du progrès et le Parti de l'indépendance, le ministre de l'Agriculture Sigurdur Ingi Johannsson succède comme premier ministre à Sigmundur David Gunnlaugsson.

«Nous allons continuer à travailler ensemble. Nous espérons évidemment que cela apportera de la stabilité politique», a déclaré M. Johannsson à la presse dans les murs du Parlement, où s'étaient réunies les deux formations de la coalition aux affaires depuis 2013.

«Nous prévoyons d'organiser des élections (législatives) cet automne», soit six mois environ avant la fin de l'actuelle législature qui courait normalement jusqu'au printemps 2017, a-t-il précisé.

Selon les usages, le président Olafur Ragnar Grimsson, 72 ans, qui partira en retraite fin juin après 20 ans d'exercice et cinq mandats, n'aura d'autre choix que d'entériner l'accord.

Dans une position devenue intenable, l'ex-premier ministre Sigmundur David Gunnlaugsson, qui conserve jusqu'à nouvel ordre la présidence du Parti du progrès, s'était mis en retrait de ses fonctions mardi.

Les deux partis de coalition, dont trois ministres et plusieurs conseillers municipaux de Reykjavik sont mis en cause dans le scandale des paradis fiscaux exposé par les «Panama Papers», cherchent à gagner du temps pour éviter un vote-sanction promettant d'être cinglant en cas d'élection rapide.

«Ils ont perdu toute légitimité, mais je doute fort qu'ils partent d'eux-mêmes. Le temps joue pour eux et ils s'accrochent», analysait ainsi Gyda Margret Petursdottir, une universitaire de 42 ans venue manifester mercredi soir devant l'Althingi, le Parlement islandais.

Le premier ministre sortant est devenu le premier «trophée» du Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) qui dévoile depuis dimanche les pratiques financières et fiscales à tout le moins opaques de personnalités, chefs d'État, entrepreneurs, sportifs, banques, etc.

«Butin dans des îles exotiques»

L'enquête de l'ICIJ a révélé qu'avec sa future épouse, une riche héritière, M. Gunnlaugsson a pris le contrôle en 2007 d'une société dans les îles Vierges britanniques.

Il a vendu fin 2009 sa participation de 50% dans le capital de cette société à son épouse pour un dollar symbolique, mais omis d'en faire état dans sa déclaration de patrimoine lorsqu'il a été élu député pour la première fois en avril de la même année.

Le couple plaide sa bonne foi et affirme avoir toujours déclaré son patrimoine au fisc. L'ICIJ ne lui reproche d'ailleurs qu'une entorse aux «règles éthiques» de la vie politique islandaise.

Mais l'affaire est extrêmement sensible dans un pays marqué par les excès des années 2000, pendant lesquelles un secteur financier euphorique ainsi que ses dirigeants et ses cadres usaient et abusaient des sociétés écrans. L'économie avait ensuite été terrassée par la crise financière en 2008.

Et malgré les annonces des partis aux affaires destinées à apaiser la colère montante des Islandais - ils étaient 22 000 manifestants lundi soir, selon les organisateurs, un chiffre historique pour ce petit pays d'un peu plus de 300 000 habitants -, l'opposition n'avait pas l'intention de désarmer.

«Il y a un consensus entre les partis d'opposition selon lequel nous pousserons pour que le vote d'une motion de censure (déposée lundi par la gauche) se tienne», a prévenu Birgitta Jonsdottir, fondatrice et députée du Parti pirate, formation qui milite pour la transparence de la vie publique.

«Nous ne voyons pas l'intérêt qu'il y a à maintenir en place un gouvernement qui ne bénéficie que de 26% de confiance» dans la population, a-t-elle ajouté, tout en reconnaissant que comme les élus des deux partis de la majorité allaient soutenir le gouvernement, la motion de censure n'avait aucune chance.

Selon un sondage Gallup publié mercredi, le Parti pirate serait aux portes du pouvoir si des élections se tenaient aujourd'hui. Il recueille 43,0% d'intentions de vote, très loin devant le Parti de l'indépendance (21,6%), le Mouvement gauche-Verts (opposition, 11,2%), les sociaux-démocrates (10,2%) et le Parti du progrès (7,9%).

PHOTO REUTERS

22 000 personnes ont manifesté samedi à Reykjavik.