La Colombie a attribué vendredi trois décès à des complications liées au virus Zika, en pleine expansion en Amérique latine, l'ONU appelant la région à améliorer l'accès des femmes à la contraception et à l'avortement en raison des risques de malformations congénitales.

« Nous avons confirmé et attribué trois décès au Zika » et « les trois morts ont été précédées du syndrome de Guillain-Barré », a déclaré la directrice de l'Institut national de la Santé (INS), Martha Lucia Ospina, lors d'une conférence de presse, alors que le virus est soupçonné de provoquer cette maladie neurologique pouvant mener à la paralysie définitive.

« D'autres cas vont apparaître », a-t-elle averti, soulignant que « le monde se rend compte que le Zika est cause de mortalité. Pas très élevée, mais oui, il est cause de mortalité ».

La Colombie est le deuxième pays, après le Brésil, le plus touché au monde par l'épidémie, également suspectée d'entraîner une grave malformation congénitale, la microcéphalie (réduction du périmètre crânien, néfaste au développement intellectuel).

C'est la première fois qu'un responsable gouvernemental attribue des décès au virus, qui se propage de manière exponentielle en Amérique latine via les moustiques de type Aedes.

Droit à la contraception

Devant l'explosion de cas de microcéphalie en Amérique du Sud, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a décrété une «urgence de santé publique de portée internationale», jugeant aussi «approprié» de reporter les dons de sang des voyageurs revenant de pays à risque où sévit le virus.

Le Brésil est le pays le plus touché par l'épidémie, avec 1,5 million de personnes contaminées, 404 cas de bébés nés avec une microcéphalie depuis octobre et 3670 autres cas suspects associés au Zika, contre 147 confirmés sur l'ensemble de l'année 2014.

Dans le plus grand pays catholique du monde, l'épidémie a rouvert le débat sur l'avortement, possible uniquement en cas de viol, quand la vie de la mère est en danger ou dans le cas de foetus acéphales (sans cerveau).

En Colombie et en Équateur, l'interruption volontaire de grossesse n'est autorisée qu'en cas de danger pour la santé de la mère.

Au Salvador, elle est même punie par des peines allant jusqu'à 40 ans de prison : en novembre, Amnesty International dénonçait l'incarcération d'une vingtaine de femmes dans ce pays pour avoir avorté.

Recommander de ne pas tomber enceinte n'a aucune utilité dans les pays qui interdisent ou limitent strictement l'accès aux méthodes de planification familiale, comme la contraception ou l'avortement, a souligné vendredi le Haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme.

Zeid Ra'ad Al Hussein a appelé les gouvernements à «s'assurer que les femmes, les hommes et les adolescents ont accès à des services et des informations de qualité sur la santé et la reproduction, sans discrimination», via le droit à la contraception, aux soins maternels et à l'avortement dans un environnement sécurisé.

La ministre salvadorienne de la Santé, Violeta Menjivar, a assuré vendredi que les contraceptifs étaient désormais plus facilement disponibles dans les hôpitaux publics du pays, renouvelant son «appel aux femmes à penser de manière responsable».

Le Haut commissariat aux droits de l'homme a en particulier visé les États d'Amérique du Sud, dont beaucoup n'autorisent ni l'avortement ni la pilule contraceptive, et qui ont conseillé aux femmes d'éviter de tomber enceintes à cause du risque posé par Zika.

«Comment peuvent-ils demander à ces femmes de ne pas tomber enceintes, mais ne pas leur offrir la possibilité d'empêcher la grossesse», a déclaré la porte-parole Cecile Pouilly devant la presse.

Détecté dans l'urine et la salive

Un institut de recherche scientifique brésilien a annoncé vendredi avoir détecté le virus Zika, qui se propage en Amérique latine via le moustique Aedes aegypti, dans l'urine et la salive, précisant qu'il était trop tôt pour savoir s'il s'agit là d'un nouveau mode de contagion.

«La présence du virus Zika, sous forme active, a été détectée dans la salive et l'urine», a déclaré à la presse Paulo Gadelha, directeur de l'institut Fiocruz de Rio de Janeiro, «mais cela ne signifie pas qu'il existe une capacité de transmission par la salive et l'urine».

Les États-Unis recommandent abstinence ou préservatif

Les autorités de santé américaines ont recommandé vendredi aux personnes de retour de pays où sévit le virus Zica d'utiliser des préservatifs ou de s'abstenir d'avoir des relations sexuelles, le virus pouvant se transmettre par cette voie.

Les nouvelles recommandations des Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC) visent tout particulièrement les femmes enceintes et leur partenaire, ainsi que celles en âge de procréer. Celui-ci se transmet majoritairement par une piqûre d'un moustique infecté, mais les CDC ont admis cette semaine qu'une personne avait attrapé le Zika par voie sexuelle au Texas. Le conjoint de cette personne avait été infecté par le virus lors d'un récent voyage au Venezuela.

Porto Rico décrète l'état d'urgence sanitaire

Le gouverneur de Porto Rico, Alejandro Garcia Padilla, a décrété l'état d'urgence sanitaire vendredi dans l'île des Caraïbes où 22 personnes ont été infectées par le virus Zika, dont une femme enceinte.

«Notre objectif principal est d'assurer la sécurité des Portoricains et de leur donner des conseils sur les mesures préventives nécessaires», a déclaré M. Garcia Padilla dans un discours depuis le palais présidentiel.

Des responsables ont précisé que dans le cadre de ce plan d'urgence l'accent allait être mis sur la lutte contre les moustiques, principaux vecteurs du virus. D'autres mesures vont également entrer en vigueur, comme le gel des prix de certains produits, comme les préservatifs, une mesure prise après un cas confirmé de transmission du virus par voie sexuelle aux États-Unis.

«Le Zika doit être traité comme une maladie sexuellement transmissible, nous devons prendre les précautions adéquates», a dit Ana Rius, secrétaire à la Santé de l'île des Caraïbes.

Trois nouveaux cas de Zika ont été répertoriés dans l'archipel américain de Porto Rico, ce qui porte le nombre total de personnes infectées à 22, selon les autorités. Parmi ces patients figure une femme enceinte.

Mme Rius, qui avait déjà conseillé aux femmes le mois dernier d'éviter de tomber enceintes, a aussi annoncé qu'une période de quarantaine avait été établie pour les dons du sang.