Les Canadiens ne seront par les seuls à aller aux urnes, en 2015: une trentaine de pays seront le théâtre d'élections durant l'année qui commence. Si certains scrutins risquent d'avoir bien peu d'impact sur l'échiquier mondial, comme celui du petit paradis fiscal de Saint-Christophe-et-Niévès, dans les Antilles, d'autres auront lieu sous haute tension. En voici quatre.

Haïti: sus aux reports

Au moment où Haïti souligne le cinquième anniversaire du séisme dévastateur de janvier 2010, la tension politique aurait été à son comble n'eût été l'accord conclu in extremis cette semaine. Les mandats des députés, des sénateurs et des élus municipaux, qui auraient été échus, ont été prolongés.

Cet accord vise à permettre la tenue avant le printemps des élections, constamment reportées depuis trois ans, ce qui ralentit sérieusement la reconstruction du pays, estime Andréanne Martel, de la chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l'UQAM. «Le processus a été tellement retardé que de grands bailleurs menaçaient de retirer leur aide. La communauté internationale a besoin d'interlocuteurs légitimes et représentatifs.»

Le président Michel Martelly, dont le mandat court jusqu'en 2016, n'aura donc pas à gouverner par décrets. Le noeud du problème reste le choix du conseil électoral provisoire, souligne Mme Martel. «C'est toute la légitimité du processus.»

Burundi: paix fragile

Le président Pierre Nkurunziza sollicitera-t-il un troisième mandat, en contravention avec la Constitution? La décision, qui devrait tomber en début d'année, est l'un des grands enjeux du scrutin présidentiel de juin, qui suivra les législatives de mai.

Les crises économique et politique suscitent également des inquiétudes dans ce pays parmi les plus pauvres du monde, où les partis de l'opposition dénoncent la partialité de la commission électorale. «Il y a déjà beaucoup de tension entre les militants des différents partis politiques, et les violences sont déjà en cours», affirme Katrin Wittig, doctorante en sciences politiques à l'Université de Montréal, qui se penche sur la transformation des groupes rebelles en partis politiques dans l'Afrique des Grands Lacs.

Ce sera la troisième fois que les Burundais vont aux urnes depuis la fin de la guerre civile, il y a une dizaine d'années, rappelle-t-elle. Le scrutin est donc «important pour la consolidation de la paix».

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Pierre Nkurunziza

Birmanie: inquiétudes

Deuxième scrutin depuis la fin de 50 ans de régime militaire totalitaire, les élections qui doivent avoir lieu l'automne prochain en Birmanie inquiètent Amnistie internationale. «Il ne faudrait pas qu'on pense "ça y est, la démocratie est là, passons à autre chose" », prévient la directrice générale pour le Canada francophone, Béatrice Vaugrante.

«Les violations des droits de l'homme par l'armée restent complètement impunies», affirme Mme Vaugrante, qui s'inquiète du grand nombre de «prisonniers d'opinion» et de la persécution des minorités ethniques, en particulier des musulmans rohingyas.

L'éventuelle accession à la présidence du Prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi est aussi sur toutes les lèvres, mais il faudrait que le pouvoir modifie la Constitution, qui interdit pour l'instant à l'opposante l'accès à la fonction suprême.

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Aung San Suu Kyi

Royaume-Uni: objectif majorité

Après avoir expérimenté le premier gouvernement de coalition de leur histoire moderne, les Britanniques retourneront aux urnes en mai, mais rien n'indique pour l'instant qu'ils pourraient revenir à un gouvernement majoritaire.

Ces élections devraient donc intéresser le Canada, qui partage le même système politique «dysfonctionnel» que le Royaume-Uni, croit Denis Saint-Martin, professeur au département de sciences politiques de l'Université de Montréal. Si les Britanniques «prennent l'initiative<» de changer leur mode de scrutin, «cela va probablement faciliter la réforme ici», croit-il.

La place du Royaume-Uni dans l'Union européenne est aussi un enjeu important de cette élection, car le premier ministre David Cameron a promis un référendum sur la question. Les débats aborderont de «nouvelles formes de gouvernance et de confédéralisme», ce qui, selon Denis Saint-Martin, ne manquera pas d'intéresser les souverainistes québécois.

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David Cameron