Quand les armes se taisent, les enfants soldats ne rentrent pas subitement au village pour jouer au ballon avec leurs amis d'avant. Ils sont un grave sujet de préoccupation pour les missions de paix, qui sont mal outillées pour faire face à ce problème. La Roméo Dallaire Child Soldiers Initiative a entrepris au début du mois la mise au point d'une formation pour les policiers déployés à l'étranger. Elle songe aussi à l'adapter pour aider les forces policières à faire face aux gangs de rue, ici même au pays.

«Dans tous les pays où il y a des missions de paix en ce moment - le Congo, la Centrafrique, la Côte-d'Ivoire -, il y a des enfants soldats, lance Tanya Zayed, directrice adjointe de la Roméo Dallaire Child Soldiers Initiative. Déployer là-bas des policiers sans les préparer à ce phénomène, ça crée une lacune.»

L'organisation fondée par le lieutenant général Dallaire donne depuis 2010 des formations un peu partout dans le monde à des militaires et à des policiers afin de les préparer à agir avec des enfants soldats. «On s'est aperçus que les policiers ont des besoins différents des militaires, parce qu'ils ont des rôles différents, explique Mme Zayed. Ils arrivent après les conflits, pour agir à titre de mentors auprès des policiers nationaux.»

Les enfants ne sont pas seulement enrôlés dans des mouvements rebelles. Une petite dizaine de pays recrutent des mineurs dans leur armée nationale, selon l'ONU. «En Afghanistan, un policier canadien s'est retrouvé avec un collègue âgé de 15 ans!, raconte Tanya Zayed. Il ne savait pas quoi faire.»

Policiers canadiens

Afin d'adapter sa formation aux besoins des policiers, l'organisation a réuni au début du mois d'août 13 représentants des services de police de Halifax, Ottawa et Toronto ainsi que de la Gendarmerie royale du Canada (qui chapeaute le déploiement de policiers canadiens à l'étranger). L'exercice se poursuivra à la mi-septembre à Toronto et devrait déboucher sur une formation pilote en décembre.

Les enfants soldats ne tiennent pas tous une kalachnikov. Certains servent de porteurs, de guetteurs ou d'esclaves sexuels. «S'il y en a un qui vient vers des patrouilleurs pour leur demander de le sortir de là, ils ne savent pas quoi faire, illustre Tanya Zayed. Ils vont lui dire de revenir le lendemain, mais ça peut mettre l'enfant en danger.»

Sam Côté a été déployé deux fois en Haïti. Cet ancien policier montréalais, qui patrouille maintenant dans les rues de Halifax et qui collabore avec la Roméo Dallaire Child Soldiers Initiative, confirme que les policiers sont démunis quand ils débarquent à l'étranger: «Ils ne sont pas autonomes pour décrypter la culture locale, pour conjuguer les lois et les coutumes locales avec le droit international.»

Il estime qu'il faut mettre de l'avant les «principes fondamentaux» de la police communautaire: prévenir et résoudre les problèmes «pour briser le cycle du recrutement d'enfants soldats».

Même modus operandi au Canada

Les similitudes entre le recrutement d'enfants soldats dans les pays en conflit et le recrutement d'adolescents par les gangs de rue au Canada amènent la Roméo Dallaire Child Soldiers Initiative à envisager la création d'une formation adaptée à la question. La forme n'est pas déterminée, l'idée étant encore à l'étude, mais elle pourrait s'intégrer à la formation des policiers déployés à l'étranger.

«En étant sur le terrain et en voyant comment les gangs criminels recrutent, on peut mieux comprendre comment ils agissent au Canada, affirme Sam Côté. Ils utilisent toujours la manipulation, mais la stratégie change d'une culture à l'autre.»

Les comparaisons valent aussi pour les situations plus critiques, en présence d'un adolescent armé, par exemple. «C'est l'essence même du projet: comment réagir quand on fait face à un enfant soldat ou membre d'un gang criminel?», s'interroge Sam Côté.

Tanya Zayed croit qu'il faut amener les corps policiers à mettre davantage à profit l'expérience de leurs agents qui reviennent de l'étranger. «Souvent, on les renvoie au "beat" parce qu'on pense qu'ils ont été en vacances pendant un an!»