Événement sans précédent, hier, à la place Saint-Pierre de Rome: deux papes, François et Benoît XVI, ont canonisé deux de leurs prédécesseurs, Jean XXIII et Jean-Paul II, sous le regard d'un demi-million de fidèles.

La place a été envahie dès l'aube, et 300 000 retardataires ont dû se contenter de 18 écrans géants installés près de la basilique et aux quatre coins de la Ville éternelle. Un demi-millier de cinémas dans 20 pays ont retransmis en direct la cérémonie.

Une fiole contenant du sang de Jean-Paul II a été solennellement remise à une Costaricaine dont l'anévrisme s'est «miraculeusement» résorbé après une prière au pape polonais. Un reliquaire contenant un morceau de peau de Jean XXIII, le «papa buono» (le «bon pape»), a aussi été remis à une délégation notamment formée de quatre de ses neveux. La religieuse napolitaine qui a été guérie d'un cancer à l'abdomen après avoir prié Jean XXIII, dans les années 60, est morte en 2010.

Les archevêques de Montréal et de Québec ont tous deux assisté à la cérémonie. Le premier ministre Stephen Harper, représenté à Rome par le ministre des Anciens Combattants, Julian Fantino, a encensé, dans un communiqué, «la richesse et la clarté [des] enseignements sur les questions sociales et morales» de Jean-Paul II, dont l'opposition à la «culture de la mort» moderne - notamment la peine de mort, l'euthanasie, l'avortement et la contraception - a souvent fait la manchette.

Des extraits de l'homélie de François

Foi et scandale

«Saint Jean XXIII et saint Jean-Paul II ont eu le courage de regarder les plaies de Jésus, de toucher ses mains blessées et son côté transpercé. Ils n'ont pas eu honte de la chair du Christ, ils ne se sont pas scandalisés de lui, de sa croix.» Selon Pia de Solenni, théologienne et commentatrice américaine, ce passage, qui fait référence à l'histoire du doute du disciple Thomas, appelle ceux qui quittent la foi à cause des agressions sexuelles commises par des prêtres à prendre exemple sur les deux papes. «Il ne faut pas laisser l'espoir et la joie de la Résurrection être annulés par le scandale du péché. Comme dans la pop psychologie, avec son accent sur la pensée positive.»

Le concile

«C'est l'image de l'Église que le concile Vatican II a eue devant lui. Jean XXIII et Jean-Paul II ont collaboré avec le Saint-Esprit pour restaurer et actualiser l'Église selon sa physionomie d'origine, la physionomie que lui ont donnée les saints au cours des siècles.» Beaucoup de vaticanistes ont souligné que les catholiques qui s'autodéfinissent comme progressistes estiment souvent que le concile Vatican II, convoqué par Jean XXIII en 1962, aurait dû aller beaucoup plus loin, alors que les «conservateurs» croient que Jean-Paul II a endigué les excès réformistes du concile. Par conséquent, le fait de les canoniser le même jour serait une manière de rétablir l'unité de l'Église. Ici, François fait plaisir aux «conservateurs» en soulignant que le concile ne voulait pas faire table rase.

Les réformes

«Nous vivons un chemin synodal sur la famille et avec les familles, un chemin que, du Ciel, certainement, il accompagne et soutient. Que ces deux nouveaux saints Pasteurs du Peuple de Dieu intercèdent pour l'Église, afin que, durant ces deux années de chemin synodal, elle soit docile au Saint-Esprit dans son service pastoral de la famille.» En évoquant le synode sur la famille immédiatement après le concile Vatican II, François semble confirmer que des décisions importantes pourraient y être prises. Le synode aura lieu cet automne et se basera sur les commentaires envoyés par tous les diocèses du monde.

L'héritage de Jean-Paul II

«Dans ce service du Peuple de Dieu, saint Jean-Paul II a été le pape de la famille. Lui-même a dit un jour qu'il aurait voulu qu'on se souvienne de lui comme du pape de la famille.» Les déclarations de Jean-Paul II sur l'avortement et la contraception ont souvent fait jaser, mais on évoque peu le fait qu'il a été le premier pape à réfléchir sur l'importance de la sexualité entre époux. Il a aussi lancé les Journées mondiales de la jeunesse. En liant le travail du pape polonais sur la famille au synode de l'automne prochain, François s'assure que si le synode débouche sur des changements importants, il aura l'imprimatur de Jean-Paul II.