Un Québécois condamné à sept ans de prison à l'étranger pour trafic de cocaïne a raconté son histoire à La Presse. Après six passages fructueux, son stratagème semblait au point. Mais dès son arrivée à la douane d'un pays de l'hémisphère Sud, quelque chose clochait: il n'y avait pas assez de monde. C'était sa dernière aventure. (Suite et fin de l'article «Un kilo de cocaïne dans le dos», paru samedi dernier.)

Dans la cellule de la prison municipale d'un pays de l'hémisphère sud se trouvaient des ivrognes, des gens qui s'étaient battus, des voleurs de voiture. Hugo (nom fictif) était le seul à être là pour un crime fédéral. Les autres prisonniers l'ont laissé tranquille.

Son arrivée à la douane, quelques heures plus tôt, ne s'était pas passée comme prévu.

Hugo était devant un jeune douanier qui fouillait son sac de façon machinale. Il ne contenait que ses effets personnels. Dans le bas de son dos était collé un paquet de 1 kg de cocaïne destiné à être livré à un contact, en échange de 60 000$.

C'est à ce moment qu'un deuxième douanier est apparu. Il a dit à Hugo: «On va simplifier ton passage à la douane. On te fouille rapidement, et tu es sorti d'ici en moins de deux. Qu'en dis-tu?»

Le douanier lui a touché l'épaule, et a descendu la main dans son dos.

Hugo a senti son coeur se contracter.

«Je viens de palper quelque chose, a lancé le douanier, en faisant un pas vers l'arrière. As-tu quelque chose à nous dire?»

Une pensée lui est venue en tête: «Je l'ai fait une fois de trop.»

La deuxième pensée: «Une chance que j'ai un plan.»

Les agents ont emmené Hugo dans une salle qui contenait une table, deux chaises et une caméra vidéo. Ils l'ont fouillé à nu, en faisant la narration à la caméra.

«Les agents me posaient des questions, et moi, je gardais le silence. Je pensais à ma famille, à mes amis au Canada. Personne ne savait ce que je faisais, même pas mes meilleurs amis. Je me demandais combien de temps j'allais devoir passer en prison.»

Le paquet de drogue a été envoyé dans un laboratoire. Les résultats de l'analyse sont arrivés quelques heures plus tard: cocaïne, pure à 80%.

Après avoir été emmené à la prison municipale dudit pays du Sud pour la nuit, il a été transféré à un pénitencier fédéral.

Le monde des «changeurs»

Durant les années passées à transporter de la cocaïne, Hugo a touché des sommes importantes. Or, il n'avait jamais de grandes quantités d'argent sur lui quand il traversait une frontière, et n'a donné aucun détail sur ses méthodes aux agents qui l'ont arrêté.

Au fil des voyages, Hugo avait découvert le monde des "changeurs", des gens qui s'occupent de l'importation et de l'exportation, qui échangent des millions de dollars par mois. C'est grâce à eux qu'il pouvait envoyer son argent au Canada.

«J'allais voir un changeur dans le pays où je livrais le produit, et je lui donnais mon argent, disons 60 000$. Pour des frais de 2%, il me remettait une lettre. Je n'avais qu'à présenter cette lettre à un bureau de change prédéterminé à Montréal pour avoir mon argent.»

Hugo n'a rien dit de la provenance de la drogue. Il n'a pas non plus dévoilé l'identité des contacts à qui il allait livrer la cocaïne.

Apprendre sa leçon

Il a décidé de plaider coupable à son procès. La peine est arrivée: sept ans de prison.

Une peine difficile à accepter. Mais Hugo dit qu'il était prêt à «faire du temps» pour son geste.

«Dès que je suis entré en prison, j'ai réalisé que ma vie était faite de raccourcis: raccourcis vers l'argent, raccourcis vers l'admiration des autres. J'avais zéro confiance en moi. C'est facile de briser la loi quand on ne croit pas en soi, quand on se dit qu'on ne vaut rien de toute façon.»

Des sept ans de prison, il n'en a purgé que quatre et demi, en raison de sa bonne conduite.

Aujourd'hui, Hugo est de retour au pays. Il a trouvé un travail, et n'a pas de casier judiciaire. Il a renoué avec ses amis et sa famille. Il prend plaisir à l'idée d'avoir appris sa leçon, d'en avoir assumé les conséquences et d'être sur un pied d'égalité avec ses concitoyens.

Il n'a pas de regrets.

«La prison, c'était une étape nécessaire dans ma vie. J'avais toujours affronté la vie de côté. Depuis, je l'affronte de front.»

À ceux qui seraient tentés de transporter de la drogue pour faire un coup d'agent, Hugo a une chose à dire.

«Ça ne vaut pas la peine. Il vaut mieux mettre les bouchées doubles, et trouver une carrière qu'on aime. J'ai fait de l'argent, c'est vrai, mais j'aurais fait bien plus d'argent encore si j'avais eu un travail légal, sans passer toutes ces années en prison...»

Un salaire que l'on touche légalement, dit-il, est plus agréable à dépenser. «L'argent illégal a souvent tendance à s'envoler aussi vite qu'il est arrivé.»

Dans son cas, ce n'est pas tout à fait vrai.

Au moment où il faisait du trafic, Hugo a réalisé qu'il ne pouvait garder toutes ces liasses de billets de 100$ chez lui. Il a décidé de trouver une pelle, un contenant étanche et un endroit sûr pour faire disparaître son magot.

C'était son plan. «Je savais que je risquais d'aller en prison, de disparaître du jour au lendemain. Je voulais être prêt.»

De sa cellule, à des milliers de kilomètres du Canada, il s'est longtemps demandé si les billets de banque tiendraient le coup.

Après son retour au pays, Hugo s'est rendu là où il avait caché son argent. Il faisait nuit quand il s'est mis à creuser.

Les billets avaient le même aspect neuf que le jour où il les avait enterrés.

Il n'a pas encore dépensé un dollar. Il ne sait pas quand il le fera.

«C'est ce qu'il me reste», dit-il.