Aux yeux du gouvernement français, l'intervention militaire contre le régime syrien est le seul moyen de le forcer à négocier son départ. C'est aussi la seule façon de prévenir d'autres attaques chimiques, et d'empêcher l'opposition syrienne de glisser davantage dans les bras des extrémistes.

Aux yeux des principaux partis d'opposition, une opération sans l'appui de l'Organisation des Nations unies (ONU) et sans vision claire pour la suite des choses serait illégitime, isolerait la France et risquerait d'entraîner la Syrie dans une spirale meurtrière, comme celle qui a emporté l'Irak.

Ces deux visions se sont confrontées, hier, alors que députés et sénateurs français débattaient de l'opportunité de déclencher des frappes militaires contre la Syrie. Un débat consultatif qui n'a pas donné lieu à un vote.

Après avoir dénoncé le «plus massif et le plus terrifiant usage de l'arme chimique de ce début de siècle», le premier ministre Jean-Marc Ayrault a défendu une intervention militaire «ferme, proportionnée et ponctuelle» visant non pas à renverser le régime, mais à donner un «coup d'arrêt» pour amener le président Bachar al-Assad à négocier.

«Où sont nos alliés? Où est la résolution de l'ONU?» a rétorqué Christian Jacob, leader du principal parti d'opposition, l'Union pour un mouvement populaire (UMP).

À défaut d'un rapport clair sur l'attaque du 21 août et d'un feu vert de l'ONU, il réclame que la participation de la France à une guerre contre le régime syrien soit soumise à un vote parlementaire. Les autres partis d'opposition appellent également à un vote. Le président François Hollande n'y est pas tenu, mais rien non plus ne l'interdit. Et il n'a pas exclu de soumettre la question au Parlement ultérieurement.

L'action est plus dangereuse que l'inaction. L'inaction ouvre la porte à des abominations. Résumé à sa plus simple expression, le débat français se ramène à ces deux postulats. Des intellectuels comme Jean-Pierre Filiu, spécialiste du Moyen-Orient qui rentre d'un séjour à Alep, et le philosophe Bernard-Henri Lévy appuient une intervention. Mais des voix fortes, comme celle de l'ancien premier ministre Dominique de Villepin, qui avait refusé de participer à la guerre contre Saddam Hussein, plaident en faveur de la prudence.

«Devons-nous y aller pour des raisons intérieures américaines? Pour montrer nos muscles et donner une leçon à l'Iran? Ou pour le peuple syrien?», demande-t-il dans une entrevue à la BBC.

Selon lui, on ne peut pas traiter un seul aspect du conflit syrien - l'attaque chimique - en oubliant tous les autres, dont la menace d'une guerre religieuse enflammant toute la région.

L'opinion publique française, elle, s'oppose à l'engagement militaire de la France en Syrie.

Selon un récent sondage, 59% des Français rejettent cette option. Un rejet qui se maintient malgré l'horreur des attaques du 21 août.

Cette réticence tient beaucoup à la confusion qui entoure une telle opération, dit Frédéric Dabi, directeur de l'institut IFOP, qui a réalisé ce sondage. «En Libye, c'était simple, on allait se battre contre le méchant Kadhafi. Au Mali, il y avait l'épouvantail d'Al-Qaïda. Mais en Syrie, qui sont les gentils? Qui sont les méchants? Ce n'est pas clair.»

Mais ça, c'est ce que les Français pensent aujourd'hui. Selon Frédéric Dabi, les «sursauts patriotiques» sont fréquents, dès que la France part en guerre.

Un précédent

La Constitution française permet au président de déclencher une opération militaire sans consulter le Parlement, à la condition de l'informer au plus tard trois jours après le début de l'intervention. Ce n'est que si celle-ci se prolonge au-delà de quatre mois que les députés sont appelés à voter sur l'opportunité de poursuivre l'opération. Unique exception: en 1991, l'Assemblée nationale et le Sénat ont massivement appuyé la participation de la France à la première guerre du Golfe.