Le Royaume-Uni envisage de se retirer «temporairement» de la Convention européenne des droits de l'homme pour parvenir à extrader l'imam radical Abou Qatada vers la Jordanie, où il doit être traduit en justice. Portrait en trois temps de ce «dangereux terroriste» qui échappe depuis plus de 10 ans aux tentatives d'extradition.

Tête d'affiche d'Al-Qaïda

Arrivé au Royaume-Uni en 1993 comme demandeur d'asile, le Jordanien d'origine palestinienne Abou Qatada a longtemps été considéré comme le chef spirituel d'Al-Qaïda en Europe. Dans ses sermons, l'imam radical a notamment défendu le meurtre de Juifs en Israël et diverses attaques antiaméricaines, en plus de louanger Oussama ben Laden. Des enregistrements vidéo de ses sermons ont par ailleurs été retrouvés dans un appartement utilisé par des terroristes impliqués dans les attentats du 11 septembre 2001.

Quinze ans de travaux forcés

S'il est extradé vers son pays d'origine, Abou Qatada devra subir un nouveau procès dans deux affaires liées à la préparation d'attentats terroristes, qui lui avaient valu en 1998 et 2000 des condamnations à 15 ans de travaux forcés. Toutefois, la justice britannique s'oppose à son extradition, en vertu de la Convention européenne des droits de l'homme. Les tribunaux estiment que des témoignages obtenus sous la torture pourraient être utilisés contre lui dans le cadre d'un nouveau procès, malgré des garanties fournies aux autorités britanniques par le gouvernement jordanien. Après une série de rebondissements judiciaires, la ministre britannique de l'Intérieur Theresa May s'apprête à jouer sa dernière carte en demandant à la Cour suprême la permission d'en appeler de la décision bloquant la déportation de Qatada. Si cette permission lui est refusée, le gouvernement «envisagera toutes les options qui s'offrent à lui», dont un retrait temporaire de la Convention.

Changement d'allégeance ?

Depuis sa première arrestation au Royaume-Uni, en 2001, Abou Qatada s'est distancié des positions d'Al-Qaïda. En décembre 2005, dans une vidéo enregistrée depuis sa cellule, il appelle un groupe terroriste irakien à libérer des missionnaires chrétiens - dont deux Canadiens - pris en otage. En 2008, il aurait déclaré à un animateur de la chaîne télévisée Islam Channel «n'avoir jamais encouragé ou avalisé les attentats du 11 septembre 2001 et du 7 juillet 2005 à Londres». Toutefois, plusieurs doutent de la sincérité de ce changement d'allégeance, n'y voyant qu'une tactique pour éviter l'extradition. L'ancien chef de la brigade antiterroriste britannique Bob Quick fait partie des sceptiques, et décrit Abou Qatada comme «un homme très dangereux et influent» ayant «un réseau de contacts significatif en Europe et au Moyen-Orient».