Les 193 pays membres de l'ONU ont échoué jeudi, après dix jours de tractations, à s'entendre par consensus sur un traité réglementant le commerce international des armes classiques, en raison du blocage de l'Iran, de la Corée du Nord et de la Syrie.

Les trois pays ont réaffirmé formellement en séance plénière leur opposition au texte. «Il n'y a pas de consensus pour l'adoption de ce texte», a alors conclu le président de la conférence, le diplomate australien Peter Woolcott.

Le Mexique, soutenu par plusieurs pays africains ou d'Amérique latine (Nigeria, Costa Rica, Chili, Colombie), a proposé que le texte soit adopté malgré tout, mais le représentant russe s'y est vivement opposé, arguant d'une «manipulation du consensus».

Le Kenya, suivi par onze pays (dont Royaume-Uni, États-Unis, Argentine, Australie, Italie), a alors suggéré que le texte soit envoyé à l'Assemblée générale de l'ONU «pour adoption dès que possible».

«Un bon et solide traité a été bloqué (...), mais la plupart des pays veulent une réglementation», a affirmé la négociatrice britannique Jo Adamson. «Nous allons envoyer ce texte à l'Assemblée générale dès que possible, ce n'est pas un échec c'est un succès différé», a-t-elle affirmé.

Quand elle avait convoqué cette session de négociations dans une résolution en décembre, l'Assemblée générale avait prévu cette possibilité en cas de blocage. Selon des diplomates, l'Assemblée pourrait se saisir du dossier dès mardi prochain.

Le représentant français Jean-Hugues Simon-Michel a souligné que le blocage venait de «pays sous sanctions» qui s'exonèrent ainsi «des conséquences de leurs propres violations de leurs obligations internationales». «L'essentiel est que tous les autres pays soient arrivés à un consensus sur un texte solide et ambitieux».

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon s'est déclaré «profondément déçu de cet échec». Il a jugé le projet de traité «équilibré» et souhaité que les pays membres «continuent leurs efforts» pour qu'il entre en vigueur «dès que possible».

Pour le représentant des États-Unis Tom Countryman, le texte bloqué jeudi «correspond à l'objectif américain d'un traité efficace, équilibré et applicable».

«Otages»

Ce traité est en discussion depuis plus de sept années. Une précédente session de négociations en juillet avait tourné court.

«Le monde a été pris en otage par trois pays», a déploré Anna Macdonald de l'ONG Oxfam. «Le traité deviendra une réalité, c'est une question de temps», a-t-elle affirmé.

Brian Wood, responsable du dossier pour Amnesty, a jugé «profondément cynique» l'attitude des trois pays et a appelé «à adopter le traité dès que possible» à l'Assemblée générale.

Au début de la séance plénière, les représentants de l'Iran, de la Corée du Nord et de la Syrie avaient l'un après l'autre fait part de leur «objection» au texte soumis par M. Woolcott.

L'ambassadeur iranien à l'ONU Mohammed Khazaee avait affirmé qu'il soumettait les pays acheteurs d'armes à un diktat des exportateurs et qu'il ignorait «les droits des peuples sous occupation coloniale» ainsi que le «droit naturel des États de se défendre contre une agression».

Le représentant nord-coréen avait jugé que le texte «n'était pas équilibré» et qu'il pouvait être «manipulé politiquement par les principaux exportateurs».

L'ambassadeur syrien à l'ONU Bachar Jaafari avait déploré qu'il ne couvre pas «le commerce illégal d'armes qui soutient le terrorisme», en référence à l'opposition syrienne qui, selon Damas, est armée par les pays du Golfe et la Turquie.

Le projet de traité vise à moraliser les ventes d'armes conventionnelles, un marché de 80 milliards de dollars par an.

Son principe est que chaque pays évalue, avant toute transaction, si les armes vendues risquent d'être utilisées pour contourner un embargo international, commettre un génocide ou d'autres «violations graves» des droits de l'homme, ou si elles peuvent tomber aux mains de terroristes ou de criminels.

Les armements couverts vont du pistolet aux avions et navires de guerre en passant par les missiles.