Les États-Unis et la France ont renforcé les mesures de sécurité pour protéger leurs intérêts dans le monde face à la colère des musulmans, qui pourrait redoubler avec la publication mercredi en France de caricatures du prophète Mahomet.

Ces craintes se concentrent notamment sur vendredi, journée de prière dans les pays musulmans et qui pourrait donner lieu à une mobilisation accrue contre l'Occident.

Les États-Unis prennent «des mesures fortes» pour protéger leurs ambassades dans le monde, a annoncé la secrétaire d'État Hillary Clinton, démentant que Washington ait eu vent de l'attaque qui se tramait contre son consulat survenue en Libye le 11 septembre.

Après une semaine de violences antiaméricaines dans le monde arabo-musulman, «nous sommes en train de prendre des mesures fortes pour protéger le personnel des ambassades et consulats dans le monde entier», a ajouté la chef du département d'État, qui pilote le premier réseau diplomatique de la planète.

La France a suivi le même chemin alors qu'un hebdomadaire satirique, Charlie Hebdo, a publié dans son édition de mercredi des dessins sur la controverse créée par la diffusion d'un film amateur américain anti-islam, titré «L'Innocence des musulmans», à l'origine de la colère musulmane.

Les écoles françaises de Tunisie fermées jusqu'à lundi



La dizaine d'établissements scolaires français de Tunisie seront fermés de mercredi 14 h (9 h, heure de Montréal) à lundi 8 h (3h à Montréa) par mesure de précaution après la publication de caricatures de Mahomet en France, a appris mercredi l'AFP auprès de l'ambassade française à Tunis.

« C'est à titre préventif. Nous n'avons reçu aucune menace directe », a indiqué l'ambassade, qui restera fermée vendredi, jour de la grande prière hebdomadaire.

L'Institut culturel français de Tunis et la Maison de France à Sfax (250 km au sud de la capitale tunisienne) fermeront pour leur part de jeudi à lundi matin.

L'ambassade de France à Sanaa sous haute surveillance

Les autorités yéménites ont renforcé mercredi les mesures de sécurité autour de l'ambassade de France à Sanaa, après la publication des caricatures de Mahomet de Charlie Hebdo.

« Des renforts de sécurité ont été déployés aujourd'hui autour de l'ambassade de France », a déclaré à l'AFP un responsable des services de sécurité yéménites.

« Ces mesures de sécurité ont été prises à la demande de l'ambassade », a-t-il ajouté sans plus de précisions.

Quatre Yéménites avaient été tués le 13 septembre lors de la prise d'assaut de l'ambassade des États-Unis dans la capitale yéménite par des manifestants protestant contre le film anti-islam.

Le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, a annoncé mercredi à Paris que la sécurité avait été renforcée pour les ambassades françaises dans le monde. «J'ai évidemment envoyé des instructions pour que dans tous les pays où cela peut poser des problèmes, on prenne des précautions de sécurité particulières», a déclaré à la radio France Info M. Fabius.

Et les ambassades, consulats et écoles françaises d'une vingtaine de pays musulmans seront fermés vendredi. Mais selon le porte-parole du Quai d'Orsay, Philippe Lalliot, il n'y a pas de «menace avérée sur un quelconque établissement».

À Paris, la sécurité a été renforcée autour de l'immeuble abritant la rédaction de Charlie Hebdo. Les dessins du journal, en pages intérieures et en dernière page, visent généralement plus les responsables du film et les islamistes que l'islam même. Le prophète y est toutefois représenté nu dans deux dessins.

«De l'huile sur le feu»

«Nous sommes dans un pays où la liberté d'expression est garantie, la liberté de caricature aussi», a relevé sur la radio RTL le premier ministre français, Jean-Marc Ayrault. Il a toutefois ajouté que «si vraiment des personnes se sentent heurtées dans leurs convictions et pensent qu'il y a eu dépassement du droit (...) elles peuvent saisir les tribunaux».

Dans le «contexte» actuel, la publication de Charlie Hebdo jette «de l»huile sur le feu», a jugé pour sa part Laurent Fabius.

Le gouvernement a par ailleurs refusé d'autoriser une manifestation samedi à Paris qui avait pour but de protester contre le film américain anti-islam.

«Nous ne tolérerons pas de débordement», a expliqué le premier ministre alors qu'une manifestation samedi près de l'ambassade américaine avait été émaillée de violences et donné lieu à environ 150 interpellations.

En novembre 2011, après la publication d'un numéro spécial baptisé «Charia Hebdo» avec Mahomet comme «rédacteur en chef», les locaux du journal satirique avaient été incendiés et le site internet du journal piraté.

En France, toute atteinte à la communauté musulmane est d'autant plus sensible que ce pays abrite la plus importante communauté musulmane d'Europe, avec 4 à 6 millions de membres.

Vague de violences

Plusieurs pays du Proche-Orient, d'Afrique du Nord, d'Asie et d'Europe sont secoués depuis une semaine par une vague de violences dirigées contre les États-Unis après la diffusion sur internet du film américain islamophobe.

Selon des témoins, un millier d'étudiants ont manifesté pacifiquement mercredi contre ce film dans l'est de l'Afghanistan. La marche s'est tenue à Jalalabad sur la route menant à Kaboul. Ses participants ont scandé des chants appelant à «la mort de l'Amérique» et aux «ennemis de l'islam».

Mardi soir, le président américain Barack Obama avait appelé le monde musulman à travailler avec les États-Unis à assurer la sécurité de leurs représentants dans le monde.

«Le message que nous devons faire parvenir au monde musulman est que nous nous attendons à ce que vous travailliez avec nous pour protéger les nôtres, et aussi choquante que cette vidéo puisse être - et nous l'avons évidemment dénoncée, le gouvernement américain n'avait rien à voir avec elle - ce n'est jamais une excuse pour la violence», avait-il dit.

L'ambassadeur des États-Unis en Libye et trois autres Américains ont été tués le 11 septembre dans l'attaque armée du consulat de Benghazi, un drame sur lequel la Libye et le FBI enquêtent.

Face aux agressions contre leurs représentations diplomatiques et consulaires, les États-Unis avaient déjà décidé en fin de semaine dernière de «mesures supplémentaires» pour renforcer leur sécurité dans des pays du Proche-Orient et d'Afrique du Nord. Cent Marines ont ainsi été dépêchés en Libye et 50 au Yémen, mais le Soudan a refusé l'entrée de ces «forces spéciales».

Mardi, un attentat suicide visant un minibus sur une autoroute menant à l'aéroport de Kaboul a tué huit Sud-Africains, un Kirghize et trois Afghans. Le groupe Hezb-e-Islami, la deuxième composante la plus importante des insurgés afghans après les talibans, a revendiqué cet attentat, en affirmant qu'il était une réponse au film.

En 2005, la publication de caricatures de Mahomet dans un journal danois avait déjà provoqué un longue vague de protestations dans le monde arabe.