La répression s'est accrue en Chine depuis la fin des Jeux olympiques de 2008. Un débat sur la démocratisation existe néanmoins aux hautes instances du Parti communiste (PCC) et des expériences localisées ont récemment eu lieu.

Tel est le constat de Jean-Philippe Béja, expert de Sciences po, à Paris, qui donne ce soir et demain des conférences à Montréal. Vétéran sinologue, M. Béja connaît depuis 20 ans le dissident Liu Xiaobo, condamné en 2009 à 11 ans de prison, dont la nomination comme Prix Nobel de la paix en 2010 a grandement irrité Pékin.

«Dès que les Jeux olympiques ont été terminés, la répression s'est accrue, explique M. Béja, en entrevue dans un café du centre-ville. Liu Xiaobo a été arrêté deux jours avant l'anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, à l'occasion duquel des dissidents chinois voulaient lancer la charte 08, inspirée de la charte 77 tchécoslovaque. Plus de 200 avocats spécialistes des droits de l'homme ont aussi été arrêtés.»

Le 25 décembre 2009, M. Liu a été condamné à 11 ans de prison, notamment pour sa participation à la charte 08 et pour la publication de six articles reflétant des controverses concrètes. «C'était du jamais vu, dit M. Béja, qui a publié un livre sur le dissident. Habituellement, les peines de ce genre étaient de trois à cinq ans, même si le maximum était théoriquement de quinze ans. Depuis, deux autres personnes ont été condamnées à 10 ou 11 ans de prison. Un nouvel organisme voué à la préservation de la stabilité a été créé et son budget est plus important que celui de l'armée.»

Selon M. Béja, certaines des controverses abordées par M. Liu dans ses articles - par exemple, le suicide d'une jeune femme violée par le fils d'un cadre du PCC - avaient déjà eu une ample couverture médiatique dans l'empire du Milieu.

Lueur d'espoir

Le sinologue parisien entrevoit toutefois une lueur d'espoir. «Il a fallu six mois pour inculper formellement Liu Xiaobo et six mois de plus pour décider de son sort. Ça veut dire qu'il y a un débat au sommet du parti.»

Les deux autres éléments positifs sont la rétrogradation récente de Bo Xilai, chef de file des néo-maoïstes, et la tenue d'élections municipales dans le village de Wukan, près de Hong Kong, après des manifestations contre un dirigeant corrompu. «Le prédécesseur de Bo Xilai à la tête du PCC de Chongqing est Wang Yang, actuel chef du PCC du Guandong, province où est situé Wukan. Bo Xilai avait attaqué des partisans de Wang Yang sous le couvert de la lutte contre la corruption. L'approche de Wang Yang à Wukan ressemble à ce que propose Liu Xiaobo pour les relations entre l'État et la société civile. Mais rien n'est gagné. Un village voisin de Wukan a récemment fait des manifestations similaires qui ont été réprimées. Quand la répression fonctionne, il n'y a pas de dialogue avec la société civile.»

Les conférences de Jean-Philippe Béja:

www.cetase.umontreal.ca/documents/liu_xiaobo_conf.pdf

www.cerium.ca/La-Chine-en-2025