Nous entendront-ils cette fois? C'est la question que se posent maintes organisations internationales, qui se remettent à peine des efforts déployés l'an dernier dans la Corne de l'Afrique pour faire face à la famine qui a tué des dizaines de milliers d'enfants. Cette fois, c'est à l'ouest, dans le Sahel, qu'ils voient tous les signes précurseurs d'une gigantesque crise de la faim.

Près de 20 millions de personnes font actuellement face à l'insécurité alimentaire dans l'immense croissant saharien qui s'étend de la Mauritanie au Tchad. De ce nombre, 8,7 millions ont besoin d'une aide alimentaire immédiate, selon le Programme alimentaire des Nations unies.

«J'ai vu ici une situation de pauvreté comme je n'en ai jamais vu pendant ma carrière», a dit hier à La Presse la vice-présidente de Care Canada, Évelyne Guindon, jointe au Tchad. Le pays est l'un des sept frappés par la crise naissante, causée par un trio de facteurs inquiétants: des pluies insuffisantes, de mauvaises récoltes et une augmentation importante des prix de la nourriture. «Beaucoup de gens vivent ici une insécurité alimentaire chronique. C'est devenu plus compliqué parce qu'il y a de moins en moins d'espacement entre les crises», note Mme Guindon. Habituellement, le Sahel est frappé par une sécheresse importante tous les quatre ou cinq ans, mais depuis les dix dernières années, les intervalles rétrécissent. La dernière crise alimentaire dans la région remonte à 2010.

Ajoutons à cela le flot de réfugiés en provenance de régions instables comme le Darfour et nous obtenons un scénario catastrophe. «Dans la région du Tchad que je viens de visiter, il n'y a pas assez d'eau pour la population locale et cette même région accueille 300 000 réfugiés depuis 2003 et 2004», ajoute Mme Guindon. «On voit de plus en plus de cas de malnutrition», s'inquiète-t-elle.

Le scénario est le même au Mali, au Niger, en Mauritanie. «Les gens ont épuisé les moyens qu'ils ont pour faire face à une telle crise. Ils n'ont pas eu le temps de se remettre», note quant à elle Adel Sarkozi, de Vision mondiale, jointe au Mali.

Devant la situation qui est appelée à se détériorer, les deux travailleuses humanitaires interviewées ne prescrivent qu'un seul remède: une action urgente de la communauté internationale qui permettrait de prévenir une situation semblable à celle qui a ravagé le sud de la Somalie l'an dernier. À la même époque l'an dernier, plusieurs organisations, dont Oxfam, ont appelé à l'aide concernant la Corne de l'Afrique, mais la plupart des pays étrangers ont attendu que l'ONU prononce le mot «famine» en août avant de desserrer les cordons de leurs bourses.

«Ça coûte beaucoup moins cher d'intervenir maintenant. Ça coûte 1$ par enfant par jour pour faire de la prévention plutôt que 80$ par jour s'il faut soigner des cas de malnutrition», estime Mme Guindon, en faisant écho aux statistiques publiées récemment par les Nations unies. «Il faut qu'on se réveille.»

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Mauritanie

Capitale: Nouakchott

Population: 3,4 millions

Besoin d'assistance

alimentaire immédiate:

500 000

personnes

Mali

Capitale: Bamako

Population: 14,5 millions

Besoin d'assistance alimentaire immédiate:

1,1 million de personnes

Niger

Capitale: Niamey

Population: 17 millions

Besoin d'assistance alimentaire immédiate:

3,7 millions

de personnes

Tchad

Capitale: N'Djamena

Population: 11 millions

Besoin d'assistance alimentaire immédiate:

1,95 million

de personnes

Sénégal

Capitale: Dakar

Population: 13 millions

Besoin d'assistance alimentaire immédiate:

690 000 personnes

Burkina Faso

Capitale: Ouagadougou

Population: 17,3 millions

Besoin d'assistance alimentaire immédiate:

570 000

personnes

Cameroun

Capitale: Yaoundé

Population: 20,1 millions

Besoin d'assistance alimentaire immédiate:

194 000 personnes