Admissible dès lundi à un retour au Canada pour terminer sa peine, le jeune Omar Khadr, détenu à Guantánamo depuis neuf ans, devra vraisemblablement prendre son mal en patience. Selon le porte-parole du ministre de la Sécurité publique, le processus de transfert du prisonnier canadien prendra encore au moins un an.

«Dans le cas du transfert international d'un prisonnier, la décision revient au ministre de la Sécurité publique et prend en général au moins 18 mois», a dit hier Michael Patton, attaché de presse du ministre Vic Toews à La Presse. Les avocats d'Omar Khadr ont déposé une demande de transfert aux services correctionnels canadiens en mai dernier. Une année devrait encore s'écouler avant que le ministre ne rende une première décision, selon le calcul de M. Patton.

Ce délai annoncé par le porte-parole du ministre a eu l'effet d'une douche froide sur les organisations qui dénoncent la situation d'Omar Khadr, seul ressortissant d'un pays occidental encore en détention sur la très controversée base militaire américaine de Guantanamo Bay, à Cuba. «Le faire attendre davantage, c'est le pire scénario auquel on pouvait s'attendre de la part de ce gouvernement», a tonné hier la porte-parole de la section canadienne francophone d'Amnistie internationale, Anne Sainte-Marie.

Promesse compromise

Appréhendé en Afghanistan en 2002 et accusé du meurtre d'un soldat américain, le jeune Canadien n'avait que 15 ans au moment des actes qui lui ont été reprochés. L'an dernier, le citoyen canadien a plaidé coupable à cinq chefs d'accusation, dont un de meurtre, en échange de la promesse qu'il pourrait être transféré au Canada après avoir passé une année de plus à Guantanamo Bay. Cette année vient à échéance lundi.

À cet effet, l'ambassadeur du Canada aux États-Unis, après de longues négociations avec le département d'État américain, avait signé une note diplomatique le 23 octobre 2010 affirmant que le gouvernement canadien recevrait «favorablement» une demande de transfert d'Omar Khadr. L'ajout de ce document dans l'entente de plaidoirie avait joué un rôle déterminant dans la décision du jeune Khadr de ne pas contester les accusations de l'armée américaine, au dire de ses avocats canadiens.

Hier, cependant, le porte-parole du ministre a affirmé que ces lettres diplomatiques n'auront aucun impact sur une éventuelle décision. «Toutes les discussions qui peuvent avoir eu lieu avant ne s'appliquent pas à une demande de transfert, a dit M. Patton. Ce que les autres ont dit ou écrit ne compte pas. Le ministre n'a pas signé de lettre et c'est à lui que revient la décision.»

Pour Anne Sainte-Marie, d'Amnistie, ce déni des ententes diplomatiques signées par le gouvernement conservateur est une aberration de plus dans ce dossier. «Déjà, c'était inacceptable que le Canada abandonne Omar Khadr et se rende complice de la torture qu'il a subie en détention, comme l'a dit la Cour suprême dans un jugement. Le Canada aurait dû mettre en branle le processus de rapatriement d'Omar depuis longtemps», fait-elle valoir.

Hier, il a été impossible de joindre les deux nouveaux avocats canadiens d'Omar Khadr, les Torontois John Norris et Brydie Bethell. Ces deux derniers sont actuellement à Guantánamo pour rencontrer leur client.

Aujourd'hui âgé de 25 ans, fils d'un proche d'Oussama ben Laden, Omar Khadr est détenu depuis son procès dans l'aile 5 de la prison militaire avec un seul autre détenu, déclaré coupable de terrorisme par le tribunal militaire.

«Sa détention, avec un seul autre prisonnier, est déjà une violation de ses droits puisqu'il était mineur au moment des crimes qui lui ont été reprochés. Son seul espoir d'obtenir justice est d'être transféré au Canada où il pourra être entendu dans un procès juste et équitable auquel il n'a pas encore eu droit», a noté hier Jennifer Turner, de l'American Civil Liberties Union, une organisation américaine de défense des droits civiques qui est engagée dans le dossier d'Omar Khadr depuis le début.