La saga des écoutes téléphoniques perpétrées par le tabloïd News of the World vient de prendre une tournure macabre. Le journal a espionné la boîte vocale d'une adolescente à la suite de sa disparition en 2002. Autopsie d'un scandale qui éclabousse l'empire du baron de la presse Rupert Murdoch, Scotland Yard et le premier ministre lui-même, David Cameron.

Le 21 mars 2002. Milly Dowler, adolescente de 13 ans, disparaît sur le chemin de l'école à Surrey, en banlieue de Londres. Ses proches saturent de messages son téléphone cellulaire, l'implorant de donner signe de vie.

Quelques jours plus tard, leur espoir renaît: leurs messages ont été effacés. Milly est donc peut-être en vie. Ses parents se confient au News of the World, dont le tirage est de 2,8 millions d'exemplaires, dans une entrevue exclusive.

Le 18 septembre 2002, le cadavre de Milly est retrouvé.

Cette semaine, nous apprenons que c'est le News of the World (NOTW) qui avait vidé la boîte vocale de Milly Dowler, donnant de faux espoirs à sa famille et perturbant l'enquête policière.

La clé du mystère était enfouie dans des documents ayant appartenu à un ancien détective du tabloïd, Glenn Mulcaire, qui avait piraté les boîtes vocales de milliers de personnes, dont des célébrités et des politiciens. Il fut jugé et emprisonné en 2007.

Les coordonnées de l'actuel ministre des Finances, George Osborne, se trouvaient dans le bottin clandestin de NOTW, comme celles de familles des victimes des attentats terroristes du 7 juillet 2005.

Enquête publique

Ce dernier rebondissement dans la saga des écoutes téléphoniques, qui s'étire depuis 2006, a eu de vastes répercussions.

Pour la première fois, le premier ministre David Cameron a promis la tenue d'une ou plusieurs enquêtes publiques sur cette affaire qui «dégoûte toute la nation.»

Le chef du Parti conservateur est lui-même perçu par ses rivaux comme trop proche de News Corporation, le groupe de Rupert Murdoch propriétaire du NOTW.

David Cameron avait embauché en juillet 2007 Andy Coulson, qui avait été directeur de l'information au NOTW à l'époque où des messages vocaux d'employés du prince William avaient été interceptés. Il a démissionné en janvier dernier de son poste de directeur des communications à Downing Street.

L'amitié du premier ministre avec le bras droit de Rupert Murdoch en Grande-Bretagne, Rebekah Brooks, fait également polémique. La rousse était rédactrice en chef au tabloïd dominical lors du meurtre de Milly Dowler.

Maintenant à la tête de News International, l'éditeur de NOTW et trois autres journaux britanniques, elle refuse de démissionner, qualifiant d'«inconcevable» le fait qu'elle ait pu être au courant des pratiques illégales de ses journalistes.

Pots-de-vin à la police

La réputation de Scotland Yard, qui en est à sa seconde investigation, est aussi entachée.

Le commissaire de police Paul Stephenson a révélé cette semaine que NOTW avait fait des «paiements inappropriés» à des agents entre 2003 et 2007, une période qui coïncide avec l'abandon de la première enquête policière.

Ce scandale pourrait faire dérailler la mainmise de Rupert Murdoch sur BSkyB, la principale télévision payante en Grande-Bretagne.

Les actions de News Corporation ont chuté de 5% hier en réponse aux dernières révélations. Plusieurs grands annonceurs tels que Ford et Renault ont répondu à une campagne de boycottage sur Twitter en retirant leurs publicités du prochain numéro du NOTW.

Une manifestation est prévue demain devant les bureaux de News International.

----------------

Hugh Grant appelé à témoigner

L'acteur britannique Hugh Grant a annoncé que les policiers lui ont demandé de témoigner dans le cadre d'une enquête entourant le scandale des téléphones mis sur écoute. Hugh Grant a souvent affirmé qu'il soupçonnait que son téléphone avait été mis sur écoute par le tabloïd News of the World. Hier, il a déclaré qu'il était heureux de collaborer avec les autorités policières, mais il a soutenu qu'une enquête indépendante devrait tout de même être menée. Le comédien a écrit une lettre ouverte plus tôt cette année dans le journal The New Statesman. Il y révélait qu'il avait lui-même enregistré un ancien journaliste du News of the World, Paul McMullan, et que ce dernier avait admis que le tabloïd avait embauché du personnel pour pirater les téléphones portables. Associated Press