Le Brésilien José Graziano da Silva a été élu dimanche à Rome directeur général de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), devenant le premier représentant de l'Amérique latine à diriger cette agence de lutte contre la faim.

M. Graziano l'a emporté à l'issue d'un scrutin serré, par 92 voix contre 88 à son rival, l'ancien ministre espagnol des Affaires étrangères Miguel Angel Moratinos, pour succéder au Sénégalais Jacques Diouf, aux commandes de cette organisation depuis 17 ans.

Les quatre autres candidats en lice --venant d'Autriche, d'Indonésie, d'Iran et d'Irak-- s'étaient retirés à l'issue d'un premier tour.

Ex-ministre de la Sécurité alimentaire du charismatique président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), M. Graziano incarne le programme brésilien de lutte contre la faim «Fome Zero» (Faim zéro), considéré comme un succès retentissant.

«Faim zéro», qui mettait l'accent sur la participation de la société civile à ce programme et sur l'égalité hommes-femmes, a contribué à sortir 24 millions de personnes de l'extrême pauvreté en cinq ans et à réduire de 25% la sous-alimentation au Brésil.

M. Graziano sera désormais confronté à un enjeu encore plus considérable.

Le monde compte 925 millions de personnes sous-alimentées. Toutes les six secondes, un enfant meurt de problèmes liés à la malnutrition.

«Il est de tradition que cette agence revienne à un pays en développement, et le Brésil ne manquera pas de le faire valoir, surtout si l'Europe est déjà assurée d'emporter la direction du Fonds monétaire international avec Mme (Christine) Lagarde», avait prévenu un expert avant le scrutin.

De plus, aucun pays d'Amérique latine n'a jamais dirigé une grande agence onusienne.

Cette élection prenait en effet un relief particulier au moment où, pour diriger le FMI, le Mexique promeut la candidature d'Agustin Carstens face à Mme Lagarde, donnée favorite. En guise de monnaie d'échange, le Mexique avait d'ailleurs choisi de soutenir l'Européen Moratinos, au détriment du candidat brésilien.

Depuis 2006, M. Graziano était représentant régional pour l'Amérique latine et les Caraïbes auprès de la FAO et sous-directeur général de l'organisation.

C'est fort de cette expérience et de sa contribution à la rénovation d'une organisation jugée souvent trop bureaucratique qu'il avait fait campagne «pour une FAO forte et efficace».

La feuille de route du prochain directeur est déjà tracée. Jeudi, à Paris, les ministres de l'Agriculture du G20 ont décidé la mise en place d'un «Forum de réaction rapide», censé «prévenir ou atténuer les crises mondiales des prix alimentaires».

Ils ont aussi prévu d'augmenter la production agricole mondiale, l'une des préconisations majeures des experts de la FAO. L'objectif est d'augmenter la production agricole de 70% d'ici 2050, date à laquelle la population mondiale devrait dépasser les neuf milliards de personnes.

Aujourd'hui, la volatilité des prix agricoles --les cours des céréales se sont envolés sur les marchés mondiaux-- met en péril la sécurité alimentaire et fait craindre de nouvelles émeutes de la faim, comme en 2007 et 2008.

Face à ces enjeux, les moyens de la FAO semblent dérisoires: 1 milliard de dollars tous les deux ans de contributions obligatoires à son budget et autant de contributions volontaires. «Cela fait à peu près un dollar par an pour chaque personne qui souffre de la faim», fait remarquer un expert.