Les dirigeants des pays du G8 se réunissent ce matin sous haute sécurité à Deauville, en Normandie, alors que les sujets de préoccupation se multiplient sur la scène internationale. Le mouvement de démocratisation du monde arabe, qui montre des signes d'essoufflement, ainsi que la crise économique en Europe figureront en bonne place dans l'ordre du jour.

Les dirigeants du G8 qui se réunissent à compter d'aujourd'hui à Deauville, en Normandie, pour faire le point sur les grands problèmes de l'heure se retrouvent au coeur d'un continent en pleine tourmente.

Trois ans après l'éclatement de la crise financière, nombre de pays européens peinent à digérer les conséquences des plans d'urgence mis sur pied pour sauver leurs banques.

Même les pays dont le système bancaire était relativement sain ont «été aspirés par la crise», souligne Karen Lannoo, chef de la direction du Centre d'étude de la politique européenne, qui reproche aux dirigeants européens leur manque de cohésion devant ces difficultés.

«Quand on parle à un représentant de la Banque centrale européenne, de la Commission européenne, de la France ou de l'Allemagne, on entend chaque fois un discours différent, dit-il. Or, la pire chose à faire est d'envoyer un message confus aux marchés financiers.»

Les rumeurs d'une possible restructuration de la dette publique de la Grèce, toujours au bord du gouffre, témoignent de l'incapacité des élus à «générer la confiance», dit-il. Le premier ministre du pays, Georges Papandréou, assure qu'il n'en est pas question, mais il n'écarte pas pour autant la possibilité d'allonger les délais de remboursement.

Réaction en chaîne

Une restructuration, au dire de M. Lannoo, pourrait entraîner une périlleuse réaction en chaîne en Europe et au-delà en raison de l'importance des investissements des grandes banques dans les obligations grecques.

Thomas Coutrot, qui copréside la section française de l'organisme altermondialiste Attac, pense que les élus européens, de concert avec le Fonds monétaire international (FMI), veulent avant tout préserver les intérêts des banques plutôt que de leur faire absorber une partie des pertes. C'est dans cette optique que les États qui ont reçu une aide extérieure sont contraints d'adopter de sévères plans d'austérité.

« Ils veulent faire payer les populations le plus longtemps possible avant d'accepter des restructurations de dette qui seront, dans certains cas, inévitables de toute façon. Ils imposent des plans draconiens qui ne font qu'enfoncer les économies encore plus profondément dans la crise », dit Thomas Coutrot, qui a récemment séjourné en Grèce.

«Le pays est dans une situation catastrophique, la société est en train de se désagréger. C'est frappant de voir la pauvreté dans les rues d'Athènes», dit-il.

Mesures impopulaires

Dans certains pays, les mesures d'austérité passent de plus en plus difficilement. C'est le cas notamment en Espagne, où l'économie a été dévastée par l'éclatement d'une importante bulle immobilière, et où le taux de chômage dépasse les 20%. Des milliers de jeunes qui se font appeler «les indignés» manifestent depuis plus d'une semaine dans les principales villes du pays, à la fois pour réclamer des réformes politiques et protester contre les mesures d'austérité qui leur sont imposées.

«Il y a un rejet populaire de cette domination de la finance sur l'économie», souligne le représentant d'Attac, constate avec amertume que les engagements du G8 en matière de régulation des marchés sont restés «au stade de promesses».

La première mesure, dit-il, devrait être «d'obliger les banques à faire leur métier, c'est-à-dire de financer l'économie» plutôt que de spéculer sur les marchés. «À l'heure actuelle, de deux tiers à trois quarts des résultats nets des grandes banques proviennent de la spéculation. Ce n'est pas normal», souligne-t-il.

Évasion fiscale

Les dirigeants du G8 avaient par ailleurs promis de lutter énergiquement contre l'évasion fiscale, mais les résultats se font aussi attendre dans ce secteur, juge John Christensen, responsable du Tax Justice Network. L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) se félicite du fait que plusieurs dizaines de pays ont signé des ententes destinées à faciliter l'échange d'information en matière d'évasion fiscale. Mais selon M. Christensen, «tout indique que les ententes ne sont pas efficaces et qu'elles ne sont pas utilisées.»

Plusieurs pays influents de l'OCDE, comme les États-Unis et la Grande-Bretagne, «attirent des quantités massives de capitaux» grâce à l'évasion fiscale et ne sont pas pressés de voir évoluer la situation.

«Ils prennent des mesures pour cibler leurs propres citoyens, mais ils ne veulent pas de solution globale», note-t-il.