Un nouveau sondage paru mardi indique que Nicolas Sarkozy pourrait être évincé dès le premier tour de l'élection présidentielle de 2012.

Selon l'étude de la firme Harris Interactive, la dirigeante du Front national, Marine Le Pen, remporterait 24% des voix. Le socialiste Dominique Strauss-Kahn, dans l'éventualité où il serait candidat, obtiendrait 23%, trois points de plus que le président sortant.

Il s'agirait d'un «21 avril à l'envers», selon la presse française, en référence au premier tour de l'élection présidentielle de 2002. Le candidat socialiste, Lionel Jospin, avait alors été devancé par le fondateur du Front national, Jean-Marie Le Pen, qui allait lui-même être écrasé au second tour par le candidat de la droite traditionnelle, Jacques Chirac.

Il y a quelques jours, Harris Interactive avait réalisé un sondage en posant l'hypothèse de la candidature de Martine Aubry, première secrétaire du Parti socialiste. Encore là, Marine Le Pen arrivait première, et Nicolas Sarkozy terminait ex aequo avec son adversaire socialiste.

L'UMP en émoi

Ces résultats suscitent un vif émoi dans les rangs de la droite, où plusieurs voix demandent à Sarkozy de cesser de courtiser l'électorat frontiste avec des déclarations sur la sécurité et l'immigration.

Les dirigeants de l'UMP, parti de la majorité, ont donc décidé hier d'abandonner un article controversé dans un projet de loi sur l'immigration. Il devait permettre de retirer la nationalité française aux personnes d'origine étrangère condamnées pour l'assassinat de représentants des forces de l'ordre.

La décision n'a pas empêché certains élus de continuer à faire dans la surenchère. Une députée de l'UMP, Chantal Brunel, a notamment proposé hier de «remettre dans des bateaux» les immigrants «qui viendraient de la Méditerranée».

Martine Aubry, en déplacement à Lille lundi soir, a accusé Nicolas Sarkozy de «nourrir» le Front national en passant son temps à «parler de la peur de ceux qui sont différents au lieu de défendre notre pays et sa diversité».

Quant à Marine Le Pen, ravie, elle a déclaré hier à Strasbourg qu'elle accueillait les résultats des sondages avec «beaucoup de recul, contrairement à certains qui sont assez mécontents».

Méthodologies douteuses?

Tandis que la classe politique s'émeut, plusieurs analystes remettent en question les chiffres de Harris Interactive.

Thomas Piketty, professeur à l'École d'économie de Paris, déplore dans les pages de Libération que chacun puisse continuer de publier en France «les chiffres qu'il veut, sans donner les marges d'erreur et encore moins les secrets de fabrication» utilisés. Il demande notamment que les intervalles de confiance soient révélés pour pouvoir apprécier plus justement la portée des résultats.

Un autre spécialiste, Jacques Bohec, reproche à Harris de mener ses sondages sur l'internet, une méthode beaucoup moins fiable, selon lui, que les études téléphoniques. Il place plutôt la formation frontiste autour de 16%.

D'abord protégé par l'immunité liée à ses fonctions, puis redevenu un citoyen ordinaire à la fin de son mandat, Jacques Chirac échappe de nouveau à la justice après l'annonce hier du report de son procès, le premier dans l'Histoire d'un ancien président français. Jacques Chirac, qui était absent du tribunal, a immédiatement «pris acte» de cette décision et a affirmé dans un communiqué qu'il serait «présent à la date fixée par le tribunal pour la reprise des audiences». Siégeant depuis la veille, le tribunal correctionnel de Paris a accepté le recours constitutionnel de l'avocat de l'un des dix inculpés dans cette affaire et évoqué les «alentours du 20 juin» pour une reprise des débats. L'avocat estimait anormal de juger les faits si longtemps après qu'ils aient été commis, considérait qu'ils auraient dû être prescrits, et il a donc demandé au tribunal de faire vérifier que tout cela était bien conforme à la Constitution.