L'ONU et l'Union européenne font une grave erreur en misant sur la persuasion en coulisses et non sur la condamnation publique pour amener les régimes répressifs comme celui de la Chine à cesser de violer les droits de l'Homme, a estimé lundi Human Rights Watch dans son rapport annuel.

L'organisation non gouvernementale qui a son siège à New York braque les projecteurs sur «l'échec des pays censés être les champions» de ces droits, prévient son directeur général Kenneth Roth, dans son introduction au document de 600 pages.

Aux yeux de M. Roth, l'erreur fondamentale du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon et de bien des pays siégeant à la Commission des droits de l'Homme est de faire passer «dialogue et coopération» avant toute pression publique sur les États fautifs.

M. Ban a, selon lui, le tort de «surévaluer sa capacité de persuasion par le biais de contacts personnels avec des gens comme le président soudanais Omar el-Béchir, le chef de la junte militaire birmane Than Shwe, et le président sri-lankais Mahinda Rajapaksa».

Et, souligne-t-il, «l'UE semble avoir particulièrement adhéré à cette idée», sa Haute représentante pour les Affaires étrangères Catherine Ashton, «exprimant de manière répétée sa préférence pour une «diplomatie tranquille», quelles que soient les circonstances».

Ce qui explique pourquoi le directeur général d'HWR a choisi Bruxelles pour présenter le rapport à la presse lundi.

M. Roth reproche notamment à l'UE une «approche obséquieuse» à l'égard de l'Ouzbékistan -dont le président Islam Karimov effectue justement lundi une visite à Bruxelles- et du Turkménistan.

Si l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni sont jugés complaisants à l'égard de Pékin, l'attitude diplomatique controversée de Paris pendant la crise en Tunisie n'est pas évoquée, la période sous revue s'arrêtant à novembre 2010.

L'UE et l'ONU ne sont cependant pas les seules visées, puisque M. Roth critique aussi les États-Unis, pour s'être abstenus d'intervenir «avec énergie auprès par exemple de la Chine, de l'Inde et de l'Indonésie» quand le besoin s'en faisait sentir. Il ironise sur le président Barack Obama qui se retrouve ainsi «parfois privé de sa fameuse éloquence».

Il conclue à «la lâcheté quasi universelle face à la détérioration des libertés civiles en Chine».

Parmi la centaine de pays passés en revue, le régime nord-coréen se signale par son système de goulag -le goualliso- où quelque 200 000 personnes seraient détenues dans des conditions atroces.

L'impunité pour les auteurs de viols de masse affecte toujours à des degrés divers des États africains, tels que la Côte d'Ivoire et le Tchad, la palme (près de 8 000 cas au premier semestre 2010) revenant à la République démocratique du Congo.

En Colombie, de nouvelles bandes paramilitaires exercent la terreur.

«L'octroi du Prix Nobel de la Paix au dissident Liu Xiaobo a constitué «un grand moment pour le mouvement des droits de l'Homme en Chine», note HRW. Mais «les réformes légales adoptées par Pékin sur l'irrecevabilité des preuves obtenues sous la torture sont restées lettre morte en pratique».

Si la Russie a fait preuve, quant à elle, de «plus d'ouverture à la coopération internationale sur les droits de l'Homme», «le climat général dans le pays à cet égard est demeuré profondément négatif», relève l'ONG.

Les États-Unis sont notamment épinglés pour être les seuls à avoir dans leurs prisons «2 574 personnes mineures au moment des faits, purgeant une peine à perpétuité».

En Europe, «la plus grande minorité, les Roms, a continué à subir discriminations, exclusion et pauvreté extrême», observe HRW, qui mentionne les expulsions de Roms roumains et bulgares par la France.