Une toute petite dépêche, annonçant un impossible deuil. Le plus jeune fils du schah, Ali Reza Pahlavi, s'est enlevé la vie, mardi, 10 ans après la mort de sa soeur des suites d'une surdose. Farah Pahlavi, la veuve du dernier empereur d'Iran, doit ainsi survivre au décès d'un deuxième enfant, après avoir en plus perdu et son mari et son pays. Chronique d'une famille dont le destin n'a rien des Mille et Une Nuits.

C'est sur le site internet du fils aîné de la famille que la nouvelle du suicide d'Ali Reza été confirmée. «Comme des millions de jeunes Iraniens, il était profondément perturbé par tous les maux frappant sa chère patrie, portant aussi le fardeau de la perte d'un père et d'une soeur au cours de sa jeune vie. Bien qu'il ait essayé pendant des années de surmonter sa peine, il s'est donné la mort, plongeant sa famille et ses amis dans un profond chagrin. C'était un homme intelligent, sensible, loyal et dévoué.»

Si l'ex-impératrice Farah Pahlavi a toujours soutenu que sa fille cadette ne s'est pas suicidée, mais qu'elle avait été emportée par une surdose de médicaments rendue fatale par une anorexie, le décès par balle, ici, ne laisse planer aucun doute. Dans l'annonce officielle du décès d'Ali Reza, le suicide est évoqué franchement, sans détour.

On sait peu de chose de la vie du défunt Ali Reza, si ce n'est qu'il est diplômé des prestigieuses universités américaines Princeton et Columbia et qu'il avait poursuivi au doctorat en études iraniennes anciennes à l'Université Harvard. En mai 2001, il avait acheté une maison de 2 millions à Boston, ville où il est mort, à 44 ans.

L'histoire de sa famille tient du mythe.

Son grand-père a pris le pouvoir en Iran en 1921 à la suite d'un coup d'État militaire. Quatre ans plus tard, il est fait roi. Refusant d'expulser les citoyens allemands présents sur le territoire pendant la Seconde Guerre mondiale et déclarant la neutralité de son pays, il sera exilé à l'île Maurice puis en Afrique du Sud par les Britanniques, qui envahiront l'Iran.

C'est ainsi que Mohammad Reza Pahlavi - le dernier schah et père d'Ali Reza - est devenu roi. Il y aura ce premier mariage avec l'Égyptienne Fawzia, avec laquelle il aura une fille, avant qu'ils ne se séparent, alléguant le climat persan qui ne seyait pas à la santé de la jeune femme. Il y aura ensuite ce deuxième mariage, avec Sorayah, aimée, mais répudiée faute d'avoir pu donner naissance à un héritier.

Le schah épousera finalement Farah, une «roturière» qui avait été élevée, écrira-t-elle dans ses mémoires, «dans le culte du roi». Le mariage sera célébré en 1959. Deux garçons et deux filles naîtront de cette union.

Leur règne sera entaché par des histoires de corruption et par le régime de terreur instauré par la police du schah, la Savak, qui arrêtera, torturera et tuera tout opposant politique.

Les années d'exil

Les quatre enfants ont précipitamment été envoyés aux États-Unis (le défunt Ali Reza avait alors 13 ans) quand s'est précisée l'imminence de la révolution islamiste. En quelques heures, le 16 janvier 1979, leurs parents, eux, ont vite rassemblé quelques affaires. Commence alors l'exil. Refusés d'entrée en France et aux États-Unis, le schah et son épouse se réfugieront notamment en Égypte, au Maroc, aux Bahamas, au Mexique et au Panama. En octobre 1979, les États-Unis permettront finalement au couple de fouler le sol américain, le temps d'une hospitalisation du schah - atteint d'un cancer - au New York Hospital.

Cette autorisation serait à l'origine de la crise iranienne des otages de l'ambassade américaine de Téhéran.

Le schah mourra en exil, en juillet 1980.

Jamais la famille ne reposera le pied en Iran. Symboliquement, le fils aîné, Reza, - celui qui a annoncé le suicide de son frère sur son site internet - s'est lui-même fait roi en 1981, le jour de ses 20 ans, dans une cérémonie discrète en Égypte.

À La Presse, en 2004, Farah a dit que son fils se tient prêt à servir son pays «comme le peuple l'entend, que ce soit dans une monarchie constitutionnelle ou dans une autre forme de démocratie».

Au sujet du décès de Leila, morte à 31 ans, l'impératrice Farah écrira dans ses mémoires: «On ne se remet pas de la mort d'un enfant.» Ce décès la plongera, a-t-elle dit, «dans un désespoir sans fond».

Tout comme son fils Ali Reza, dont les proches ont confié à la presse, ces derniers jours, qu'il n'était plus le même homme depuis le décès de sa soeur Leila.