Comme lors de la récente cérémonie du Nobel de la paix, c'est devant une chaise vide que le Parlement européen a remis mercredi son prix Sakharov 2010 au journaliste en lutte pour défendre les libertés publiques à Cuba, Guillermo Farinas.

Les autorités cubaines n'ont pas autorisé le journaliste à venir à Strasbourg, malgré les demandes pressantes du président du Parlement européen Jerzy Buzek.

M. Farinas s'était vu décerner ce prix en octobre, après une grève de la faim de 135 jours pour réclamer la libération de prisonniers politiques.

Il avait suspendu sa grève de la faim le 8 juillet après l'annonce de la libération par le président cubain Raul Castro de 52 prisonniers politiques au terme d'une médiation de l'Église catholique.

«Mon plus grand espoir est que vous n'écoutiez pas le chant des sirènes d'un régime cruel de 'communisme sauvage'», a déclaré dans un message pré-enregistré le journaliste cubain aux eurodéputés réunis mercredi dans l'hémicycle pour la cérémonie.

Celle-ci a débuté en milieu de journée par l'hymne européen et un discours du président du Parlement, le Polonais Jerzy Buzek, lui-même ancien opposant au régime communiste en Pologne, au sein du syndicat Solidarnosc.

Guillermo Farinas souhaite que l'Union européenne et le Parlement restent fermes et maintiennent la «Position commune» de 1996, qui lie le dialogue politique des 27 avec Cuba au respect des droits de l'Homme. Le régime de La Havane attend pour sa part un assouplissement.

«L'unique aspiration (du régime castriste) après avoir simulé des changements économiques imaginaires, est que l'Union européenne et le Parlement lèvent la position commune pour qu'ils puissent bénéficier des crédits et des investissements», a dit le cyberjournaliste.

Les ministres des Affaires étrangères ont chargé en octobre la chef de la diplomatie de l'UE, Catherine Ashton, d'étudier les moyens d'améliorer les relations avec Cuba, tout en rappelant leur attachement à la «Position commune».

Cette décision faisait suite aux récentes libérations de prisonniers politiques sur l'île.

Mme Ashton a félicité mercredi M. Farinas pour son prix et «regretté» qu'il n'ait pu venir le recevoir en personne et appelé à la libération «sans condition» de tous les prisonniers politiques. M. Buzek a demandé pour sa part leur «libération immédiate».

Mme Ashton a indiqué que l'Europe continuerait à prendre en compte la question des droits de l'Homme dans ses relations avec les autorités cubaines.

Ce n'est pas la première fois qu'un lauréat ne peut recevoir son prix et que le Parlement européen utilise la chaise vide pour protester. Le dissident chinois Hu Jia en 2008, les Dames en blanc en 2005 et la Birmane Aung San Suu Kyi en 1991 n'avaient pas été autorisés à se rendre à Strasbourg.

Le prix Sakharov, créé en 1988 et doté de 50 000 euros, est décerné à des individus ou à des organisations qui cherchent à défendent les droits de l'Homme, la démocratie et la primauté du droit.

Directeur de l'agence illégale Cubanacan Press et membre du mouvement clandestin «Alliance démocratique cubaine», Guillermo Farinas, 48 ans, est le troisième opposant cubain à remporter le prix, après Oswaldo Paya en 2002 et les Dames en blanc, épouses de prisonniers politiques, en 2005.

Vendredi, le président du comité Nobel Thorbjoern Jagland avait remis le diplôme et la médaille du prix Nobel de la paix sur la chaise vide du lauréat, le dissident emprisonné chinois Liu Xiaobo, qui n'avait pas été autorisé à aller chercher sa récompense à Oslo.