La publication par WikiLeaks de documents confidentiels sur la guerre en Irak met le Pentagone face à une contradiction. Certains analystes se demandent pourquoi l'armée américaine critique le site, alors qu'elle a souligné que les documents ne révélaient que peu de choses.

«Le Pentagone a qualifié certains de ces documents de 'quelconques'. Des documents, s'ils sont quelconques, ne devraient pas être classés comme relevant de la sécurité nationale», souligne Steven Aftergood, qui dirige un projet de recherche sur le secret gouvernemental.

«Les États-Unis pourraient prendre une série de mesures pour que fléchisse le flot de publications non autorisées de documents. Une de ces mesures serait d'abaisser de façon radicale les niveaux de classification» des données officielles, a ajouté M. Aftergood lors d'un entretien à l'AFP.

Pour James Lewis, chercheur au Centre d'études stratégiques et internationales, un groupe de réflexion de Washington, le fait que la guerre en Irak ait été «particulièrement sanglante n'est pas une énorme nouvelle».

Mais «dès que vous apposez la mention 'secret', là vous avez une information», explique M. Lewis, en référence aux 400 000 rapports d'incidents, écrits de janvier 2004 à fin 2009 par des soldats américains, diffusés vendredi par WikiLeaks.

Ces documents relatent de nombreux cas de torture par les forces irakiennes, ainsi que «plus de 300 cas de torture commis par les forces de la coalition», selon le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange. Les documents révèlent aussi que le conflit a fait 109 032 morts en Irak et que plus de 60% sont des civils, soit 66 081 personnes. Sur ce total, 15 000 décès de civils n'avaient jusqu'à présent pas été révélés, selon WikiLeaks.

«C'est une question à laquelle il est nécessaire de réfléchir. À l'époque, il était sensé de rendre ces documents confidentiels pour des raisons stratégiques. Mais après quelques années, il faudrait peut-être songer à retirer» cette mention, insiste James Lewis, qui a par le passé travaillé sur les questions de cybersécurité pour le gouvernement américain.

Au début du mois, le président Barack Obama a promulgué une loi qui doit abaisser le niveau de classification de documents officiels, en octroyant notamment aux pouvoirs publics locaux, comme les municipalités, la possibilité de consulter plus facilement des documents ayant trait au renseignement.

Mais, plus généralement, l'affaire WikiLeaks amène certains, et singulièrement des adversaires du président Obama, à se demander «si les États-Unis savent garder un secret», à l'image du représentant républicain Peter Hoekstra sur la chaîne de télévision Fox News.

WikiLeaks n'a pas révélé à qui il est redevable de cette fuite massive de documents. Mais les soupçons se portent sur Bradley Manning, un spécialiste du renseignement au sein de l'armée américaine, arrêté en mai après que WikiLeaks eut diffusé une vidéo montrant un raid aérien opéré par un hélicoptère américain à Bagdad en 2007, au cours duquel des civils étaient morts.

Manning, qui est actuellement incarcéré près de Washington risque une très lourde peine de prison s'il est reconnu coupable.