À un mois de son 77e anniversaire, Jacques Chirac a appris hier matin la mauvaise nouvelle à la Gazelle d'or, ce palace marocain où il passe quelques jours de vacances, en compagnie de sa femme Bernadette et de son petit-fils Martin. L'ancien président de la République, de 1995 à 2007, sera traduit en justice dans les mois qui viennent pour «détournement de fonds» et «abus de confiance».

En théorie, l'accusé risque jusqu'à 10 ans de prison pour ces délits. Mais la juge d'instruction chargée de son dossier, Xavière Siméoni, n'a pas retenu le chef d'accusation de «faux en écriture», qui l'aurait automatiquement conduit devant la cour d'assises. Au vu des très nombreuses «affaires» qui ont entaché sa gestion de la mairie de Paris de 1977 à 1995, Jacques Chirac a échappé au pire. Mais c'est tout de même une première en France que de voir un ancien président devant les tribunaux.

Longtemps épargné par les enquêtes judiciaires, le Rassemblement pour la République (RPR) avait été finalement pris dans la tourmente à la fin des années 90, alors que son chef était déjà installé à l'Élysée et bénéficiait de ce fait d'une quasi totale immunité. Les révélations embarrassantes s'étaient succédé. Sur les emplois de complaisance à la mairie. Sur le système de pots-de-vin payés lors de l'attribution de contrats publics. Sur de luxueuses vacances au soleil réglées avec des liasses de billets.

Au passage, certains proches ont été inquiétés ou condamnés par la justice, parmi lesquels l'ancien chef de cabinet du maire, Michel Roussin, et surtout l'ancien adjoint aux Finances de la mairie, un certain Alain Juppé, condamné à 14 mois de prison avec sursis.

Intouchable jusqu'à la fin de son second mandat, en mai 2007, Jacques Chirac avait alors été entendu à cinq reprises par la juge d'instruction entre novembre 2007 et juillet 2008.

De toute évidence, la magistrate n'a pas opté pour la sévérité: sur 481 emplois suspects, elle n'en a retenu que 21 dans l'acte d'accusation contre l'ancien maire, considérant que tous ceux datant d'avant 1992 tombaient sous le coup de la prescription. Contrairement à l'avis du Parquet qui souhaitait classer la totalité du dossier, la magistrate a eu le «courage» - disent ses pairs - de renvoyer un ancien président devant ses juges. Une première historique.

Mais il n'y aura sans doute pas d'acharnement judiciaire contre le vieux retraité de la politique. Même à gauche, la plupart, comme Ségolène Royal, souhaitent qu'il puisse «vivre en paix» et ne souhaitent pas un grand déballage. Quant à l'opinion publique, elle a tranché: Jacques Chirac est aujourd'hui, avec 76% d'opinions favorables, l'homme politique le plus populaire du pays.