La star de hip-hop, Wyclef Jean, ex-leader du groupe culte «The Fugees», s'apprête à quitter les Etats-Unis et mettre de côté sa carrière musicale pour endosser les habits d'homme politique et briguer la présidence de son pays natal, Haïti.

Le chanteur a officiellement déposé sa candidature jeudi à Port-au-Prince.

Avec son groupe The Fugees -- diminutif de «Refugees» (réfugiés) -- puis sa carrière de musicien solo et producteur, Wyclef Jean s'est fait l'avocat des déshérités de Brooklyn et de Port-au-Prince.

«Si je ne peux pas donner cinq ans de ma vie à mon pays en tant que président, alors, tout ce pour quoi j'ai chanté n'a aucun sens, comme les droits civiques», a déclaré Wyclef Jean, 40 ans, au magazine Time cette semaine en expliquant ce désir de servir son pays qui l'habitait depuis longtemps.        

«Sans le tremblement de terre, j'aurais encore attendu dix ans pour faire ça», a encore affirmé le chanteur alors qu'Haïti, déjà le pays le plus pauvre des Amériques, est toujours dévasté par le tremblement de terre du 12 janvier qui a fait plus de 250 000 morts et 1,5 million de sans-abri.

L'élection présidentielle haïtienne doit avoir lieu le 28 novembre et le président sortant René Préval ne peut pas briguer un troisième mandat.

Le musicien, né à Croix-des-Bouquets dans la banlieue de Port-au-Prince, a rejoint les États-Unis à l'âge de neuf ans.

Né Nel Wyclef Jean, il a grandi à Brooklyn puis à Newark dans le New Jersey, près de New York. C'est au lycée de Newark qu'il apprend le jazz et joue d'une quinzaine d'instruments. Son père pasteur, il compose volontiers des sermons dominicaux.

Avec la chanteuse Lauryn Hill et son cousin Pras Michel, il fonde les Fugees, un groupe dont le nom rappelle le spectacle des boat-people haïtiens et stigmatise le statut précaire auquel font face beaucoup de Noirs dans la société américaine.

Il connaît un succès mondial en 1996 avec le second album du groupe, The Score qui mêle rhythm and blues, rap et reggae, et revisite d'un son nouveau des tubes tels que Ready or Not ou Killing Me Softly With His Song. Le trio remporte plusieurs Grammy en 1997.

Après la dissolution du groupe, le musicien se lance en solo et devient un producteur recherché, tout en s'impliquant de plus en plus pour le développement d'Haïti.

Le chanteur, qui a épousé une styliste de mode d'origine haïtienne, Claudinette, n'a jamais abandonné sa nationalité haïtienne, une condition sine qua non à une candidature présidentielle qui demande aussi d'avoir été résident d'Haïti pendant cinq ans.

Son oncle, Raymond Joseph, ambassadeur d'Haïti aux États-Unis, a annoncé qu'il serait aussi candidat.

Seule superstar haïtienne d'envergure planétaire, le rappeur a été intronisé en 2007 par le président René Préval ambassadeur de bonne volonté de la République d'Haïti.

Deux ans plus tôt, il avait co-fondé l'ONG Yéle Haïti, signifiant «un cri pour Haïti», dont il vient de démissionner jeudi en préparation de l'annonce de sa campagne.

L'association, très active après le séisme, a récolté quelque 9 millions de dollars mais a aussi été mise à l'index pour malversations.

On reproche par exemple à Yéle Haïti, qui fournit repas, soins et matériel aux démunis, d'avoir versé 100 000 dollars à Wyclef Jean lui-même en 2006 pour un concert censé être bénévole.

Le chanteur s'est défendu sur YouTube et a engagé un nouveau comptable.

«Si j'étais président, je serais élu le vendredi, assassiné le samedi, enterré le dimanche et je retournerais au travail le lundi», chantait-il en 2004 dans un morceau promettant d'investir «pour les ghettos» plutôt «que pour faire la guerre».